Rétromobile 2013 – Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935

Rétromobile 2013 – Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935

Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935

Une véritable rareté a été vendue lors du salon Rétromobile 2013 par la maison de vente Artcurial : une Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935. Elle a été adjugée au prix de 586 112 euros. Découvrez son histoire…

LA CARROSSERIE VANVOOREN A COURBEVOIE
M.Vanvooren exploitait à Courbevoie une carrosserie automobile dont les fabrications étaient correctes mais qui n’avait qu’une assez faible activité. Il décède en 1924. Son affaire est alors achetée à ses héritiers par M. Daste qui l’a considérablement développée, notamment en exécutant, sous licence Weymann un grand nombre de carrosseries souples pour les plus grandes marques françaises. Fin 1929, Robert de Prandières est associé à M .Daste et ils font breveter un nouveau type de carrosseries tôlées articulées sur  » Silentblocs « , qui présentent de nombreux progrès techniques. Ils créent également un brevet pour un modèle de carrosserie sans montant intermédiaire, qui était particulièrement intéressant pour la réalisation de carrosseries quatre portes sur des châssis de faible empattement, car il permettait un accès aisé aux places intérieures. L’associé de R. de Prandières, M. Daste quitte Vanvooren en 1932 pour devenir directeur du département Automobile d’Hispano-Suiza. La majorité des châssis de cette marque seront carrossés à Courbevoie jusqu’à la fin de la production en 1936. Puis Vanvooren habille la presque totalité des châssis Bentley et Rolls-Royce vendus en France jusqu’en 1939. Les ateliers sont en partie détruits par un bombardement en 1943. Pour raison de dommages de guerre, la carrosserie tente de reprendre des activités en 1947. Mais en 1950 la société est dissoute, il n’y a plus de châssis à carrosser.

BUGATTI ET VANVOOREN

La collaboration du constructeur de Molsheim avec le carrossier de Courbevoie coïncide à peu près avec l’entrée de Robert de Prandières dans les affaires de la carrosserie en 1929. Il devait pour une bonne part être responsable du rapprochement avec Bugatti. De plus R.de Prandières était l’ami intime de Dominique Lamberjack fils, le plus grand agent Bugatti parisien dont le magasin était au 68 rue Bayen. Ainsi dès 1930, Vanvooren étudie pour Bugatti plusieurs modèles de carrosseries fermées sur châssis 3 litres Type 44. Sur châssis 5 litres est disponible un Coach et un faux Cabriolet. En 1931 un Coach Type 49, 2 portes et 4 places, s’ajoute à la gamme. Fin 1931, D. Lamberjack fils obtient de Bugatti l’exclusivité de la vente des châssis Type 55 livrés à Paris. Ainsi de 1932 à 1935, six châssis de ce modèle seront habillés à Courbevoie.

LES TYPE 57 HABILLES PAR VANVOOREN
Lorsque le Type 57 rentre en production en 1934, Vanvooren reçoit de Lamberjack plusieurs châssis de ce modèle pour réalisation de cabriolets 4 places. De nombreuses Berlines Type 57, 4 portes, 4 places seront habillées à Courbevoie entre 1934 et 1936. Quatre châssis Type 57S seront carrossés en cabriolets par Vanvooren entre 1936 et 1937. Trois Coupés et un Roadster seront construits en 1938 et 1939.

Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935

LES CABRIOLETS TYPE 57 VANVOOREN
La production de ce type de carrosserie reste confidentielle si nous la comparons aux nombreux coachs et berlines produits de 1930 à 1936 sur les différents châssis. Après étude approfondie de tous les châssis Type 57 livrés, non carrossés par Bugatti ou Gangloff, nous avons pu extraire, avec une très faible marge d’erreur, la liste des châssis Type 57 habillés par Vanvooren en Cabriolets. Il semble que le total ne dépasse pas la douzaine de voitures, pour la totalité de la période de production, soit 1934-1939. Deux dessins de cabriolets semblent être étudiés par la carrosserie et proposés aux clients dès le Printemps 1934. Le premier dessin montre un cabriolet au pare-brise rabattable avec crevés de capot inclinés, portes s’ouvrant de l’avant vers l’arriére, flasques sur les ailes arrières et dépourvu de malle apparente. Le  » modèle numéro 2  » dévoile un cabriolet avec portes s’ouvrant d’arrière en avant, pare-brise fixe, crevés de capots verticaux, malle arrière tôlée. La voiture présentée aujourd’hui, châssis 57274, est réalisé à partir de ce second dessin.

En 1934, seuls quatre cabriolets Type 57 semblent avoir été habillés par Vanvooren :
– Le premier, châssis 57104, livré à Lamberjack le 22 juin, est conforme au dessin 2.
– Le second, châssis 57146, livré à Lamberjack le 28 juillet, suit le premier dessin.
– Le troisième, châssis 57205, semble avoir été préparé pour le Salon d’octobre 1934, il est du dessin 1.
– Le dernier, châssis 57162, livré à Lamberjack le 10 novembre 1934, est du second dessin.
Il possède les roues de secours dans les ailes avant.

En 1935, seulement trois cabriolets Type 57 sont carrossés par Vanvooren :
– Le châssis 57269, est livré à LABESSE le 3 mai,
– Le châssis 57274, est livré à MOURRAL le 4 avril.
Ces deux voitures suivent le dessin 2.
57269 qui est la quatrième et dernière voiture habillée suivant le second dessin, est la seule qui ne possède pas de roues de secours dans les ailes avant.
Le 24 décembre 1935, un troisième cabriolet Vanvooren, châssis 57368, est livré à M.LEROUX. Son dessin unique, est déjà dans le style des voitures modèles 1936.

Entre 1936 et 1939, seuls 4 autres cabriolets 4 places semblent avoir été habillés par Vanvooren. Ils portent les numéros 57617, 57287, 57695 et 57757. Un cabriolet 2 places, châssis 57430 livré en 1936 et un roadster 2 places, châssis 57808c en 1939, complètent la liste. Sur une production connue de douze cabriolets, seuls quatre ont survécus avec leur carrosserie sur leur châssis d’origine (57162-57205-57274-57368). La caisse de 57146 est sur le châssis 57407 à la demande de son premier propriétaire. La caisse de 57757 est sur un châssis neuf d’Usine. 57617 a survécu sans sa caisse d’origine et 57287 dont la caisse fut réalisée en 1938 a entièrement brulé il y a peu de temps. La caisse du cabriolet 2 places 57430 est aujourd’hui sur un autre châssis.

Bugatti Type 57 Cabriolet Vanvooren de 1935

LE CABRIOLET VANVOOREN CHASSIS 57274

Le châssis est livré à MOURRAL le 4 avril 1935. Le nom du concessionnaire Lamberjack apparait dans le registre des ventes, en regard du châssis 57274 – moteur 197. Le registre des factures indique :  » 4/4/35 f 57274 MOURRAL Suresnes 45600ff.  » Le prix de la carrosserie n’est pas indiqué, mais nous savons que la caisse de 57269 est facturée 27.000ff à l’Usine. Les deux carrosseries sont presque identiques. En comparaison, une caisse Berline 4 portes est facturée 15.000ff par Vanvooren, et une carrosserie cabriolet 4 places Gangloff est facturée entre 14.000ff et 18.000ff.
La grande qualité de fabrication des cabriolets Vanvooren sur châssis Type 57 se payait très cher, comparé au prix du Châssis nu. Pour citer un grand auteur  » le prix s’oublie, la qualité reste « . Le châssis, commandé par l’intermédiaire de Lamberjack, est acheminé directement à Suresnes chez Mourral par chemin de fer (mention  » f  » dans le registre). L’adresse à Suresnes est en fait celle de l’usine SAURER. La société des  » Automobiles Industriels Saurer  » est située sur le siège des anciennes usines Darracq au 67 avenue de Verdun à Suresnes.

AUTOMOBILES INDUSTRIELS SAURER
Cette filiale française rachète l’usine d’omnibus Darracq-Serpollet à Suresnes en 1910. Elle ouvre à Lyon en 1912 une succursale et un atelier. En 1956 Saurer vend son usine de camions en France à Unic. Les liens unissant Mourral à la famille Lamberjack, concessionnaire Bugatti à Paris, ont pu favoriser la participation de Dominique Lamberjack père au Rallye Paris-Nice plusieurs années, et au rallye du Maroc 1935, au volant de cars Saurer baptisés  » Popol  » et  » Virginie « . Les cars Saurer étaient les plus luxueux du marché. Ils avaient des performances exceptionnelles pour l’époque, plus de 100 km/h, et un freinage très efficace. Bugatti déjà utilisait un Saurer pour se rendre au Mans dans les années 1920 !

JEAN EUGENE HENRI ALPHONSE MOURRAL (1888-1972)
Il nait à Irigny dans le Rhône le 14 septembre 1888. Après des études d’ingénieur à l’Ecole Centrale, il est mobilisé pendant le premier conflit mondial qu’il termine avec le grade de capitaine. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1919. J. Mourral devient Directeur Général des Automobiles Saurer. Il possède également des intérêts dans d’autres sociétés. Ce célibataire endurci est locataire d’un appartement à Paris, 29 rue de Sèvres, à l’angle de l’hôtel Lutetia. Il possède une maison de famille  » Le Chevallon  » à Voreppe dans l’Isère. La Bugatti est immatriculée à son domicile parisien en avril 1935 sous le numéro 7178 RJ 7. En cette année 1935, J. Mourral a 47 ans. D’après les souvenirs familiaux, il ne semble pas posséder un autre véhicule. Il conservera la Bugatti jusqu’à l’aube de ses 80 ans. Le véhicule avait été réimmatriculé à son nom et domicile parisien le 21 mars 1955 sous le numéro 7926 DR 75. Après plus de trente ans de bons et loyaux services, la Bugatti sera vendue pour acheter une Peugeot 404 ! Elle avait peu de kilomètres au compteur, car elle était peu utilisée dans Paris. Lors du baptême d’un neveu en Isère vers 1966, J. Mourral conduisit encore sa fidèle Bugatti. Sur les diapositives couleurs prises lors de cet événement, nous découvrons J.Mourral, coiffé de son feutre, au volant de son cher cabriolet. La voiture apparait noire, unicolore .Les rayons de roues et le radiateur sont également peints de cette couleur, comme cela était courant sur les Bugatti Type 57 jusqu’en 1936. Les avertisseurs sont d’un modèle différent de ceux installés par la suite. Cinq ans après la vente de son cabriolet, Jean Mourral s’éteint dans sa propriété de Voreppe en 1972.
Quelques mois après sa dernière sortie, la voiture est revendue fin 1967. Elle est acquise par un propriétaire inconnu dans le département du Vaucluse le 16 novembre 1967.Le véhicule reçoit alors la plaque de Police numéro 62 LQ 84.
Une année plus tard, le cabriolet est acquis par Pierre VIDALENC de Paris. Celui-ci immatricule le cabriolet sous le numéro 8838 VG 75, en date du 29 janvier 1969. Cet amateur va entreprendre une restauration d’envergure. La carrosserie qui était noire d’origine va être repeinte dans les coloris qui sont encore les siens à ce jour, crème et marron. Pendant plus de quinze ans, P.Vidalenc est un fidèle des sorties du Club Bugatti et des rallyes prestigieux tels le Paris-Deauville. Il décide de se séparer de son rare cabriolet Vanvooren en 1988.
Le 9 novembre 1988, la voiture est acquise sous le marteau alerte de Maitre Poulain par son propriétaire actuel Pierre BRIGNOLE. Elle sera dés lors méticuleusement entretenue par l’atelier mécanique Novo. Récemment, la peinture fut refaite dans un atelier spécialisé en Corse. La sellerie et les amortisseurs avant sont neufs.
L’examen du véhicule nous révèle le montage de freins hydrauliques. Cette modification doit correspondre à une modernisation voulue par J. Mourral vers 1939. Les pièces mécaniques importantes sont toutes d’origine, et en parfait état. Le moteur porte gravé les numéros 57274 et 197. Il est du premier modèle à fixation rigide et échappement vers l’avant. La pipe d’admission et le carburateur Stromberg sont conformes au modèle original. Les boites à cames portent le numéro du moteur 197. La plaque de carrossier  » Vanvooren Carrossier Courbevoie Paris  » est visible au bas des deux ailes avant. Le tableau de bord comporte deux grands cadrans: un compte tour et un compteur de vitesse, entourant la clé de contact démarreur. Deux mollettes permettent le réglage des amortisseurs. La sellerie est neuve. La capote permet la position Milord qui était la marque des grands Cabriolets Vanvooren. La voiture ne semble pas nécessiter une mise au point particulière avant de rejoindre les garages du nouvel amateur qui aura l’honneur de représenter sur la route et en concours d’élégance, l’excellence de la fabrication française de l’âge d’or de l’automobile.

La grande chance de cette rare et belle voiture est d’avoir pu être préservée jalousement par son premier propriétaire, cachée en Province pendant la guerre, puis réutilisée en usage régulier jusqu’au milieu des années soixante par ce fidèle amoureux. Plus de trente ans de fidélité ont permis à Jean Mourral de nous léguer une automobile dans un état de conservation mécanique et carrosserie, aussi proche que possible de sa sortie d’Usine.

Parmi les quatre voitures de ce modèle carrossées par Vanvooren en 1934-1935 selon le dessin numéro 2 proposé aux clients, le cabriolet 57274 est l’un des deux seuls survivants.

Carte grise française
Chassis : 57274
Moteur : 57274/197

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