Rétromobile 2017 – Bugatti Type 57 Atalante découvrable de 1935

Rétromobile 2017 – Bugatti Type 57 Atalante découvrable de 1935

Une exceptionnelle et rarissime Bugatti Type 57 Atalante découvrable de 1935 a été vendue lors de la vente aux enchères Artcurial au salon Rétromobile 2017. Il s’agit de la 1ère Atalante à être présentée au Salon de Paris 1935 et l’une des huit Atalante fabriquée en version découvrable d’origine, la seule ayant survécu avec son châssis d’origine : 57330 avec le moteur 548.

Assemblé à l’usine courant septembre 1935 (ainsi que neuf autres châssis du Type 57), le châssis Bugatti 57330 reçoit le moteur numéro 232. La carrosserie est terminée le 4 octobre 1935 et, le lendemain 5 octobre, la voiture est acheminée par camion de Molsheim au Grand Palais pour être exposée sur le stand Bugatti du Salon de Paris. Le jour suivant, le même camion ramène de l’usine le coupé Aérolithe sur châssis 57S, vedette du Salon. Les couleurs d’origine ne sont pas indiquées dans le registre de carrosseries, où elles ne seront mentionnées qu’à partir de 1936. Toutefois, une note de l’usine du 10 novembre 1935 indique : « Atalante 57330/232 brun et crème, intérieur porc, neuf 36 usine – 57 040 francs français en stock avenue Montaigne ». Ceci nous confirme que la voiture est du modèle 1936, c’est-à-dire celui exposé au Salon d’octobre 1935.

Les coupés Atalante sur châssis Type 57
Le nouveau modèle est présenté au printemps 1935, hors de tout salon automobile. L’Atalante sur châssis long Type 57 est due au dessin de Joseph Walter, le talentueux employé du bureau d’étude de l’usine. Elle correspond au dessin numéro 1070 daté du 20 janvier 1935. Les premières et uniques photos officielles avant le catalogue du Salon 1935, paraissent dans la revue Omnia de juin 1935 dans un article signé A. Caputo. Elles montrent un coupé deux places découvrable, en deux tons sans doute ivoire et noir. Il s’agit de la première voiture construite, livrée le 12 avril 1935 (châssis 57313/moteur 179). Dix coupés Atalante sont produits d’avril à octobre 1935, dont au moins sept disposent d’un toit ouvrant. En 1936, huit autres voitures sont assemblées dont quatre à toit ouvrant, les dernières bénéficiant de cette option. Pour 1937, la formule du toit ouvrant est abandonnée et les carrosseries sont désormais en aluminium. Seules six Atalante sont produites cette année-là.

Le tarif usine propose le « Coupé Atalante 2/3 places à toit ouvrant » à 90 000 francs en octobre 1935, puis à 87 000 francs en octobre 1936 et, un an plus tard, il faut débourser 108 000 francs pour le coupé nouvelle version. Le modèle est ainsi décrit : « Coupé Atalante, 2/3 places, 2 portes – Sièges métalliques indépendants avec capitonnage amovible – Garniture : cuir fin – Ailes enveloppantes profilées – Grand coffre et compartiment à outillage dans la pointe AR – Pare-Soleil – Essuie-glace double – Rétroviseur – Pare choc AV. »

Le coupé est abandonné après le Salon d’octobre 1938 où il n’est plus proposé, mais dix derniers exemplaires sont encore construits jusqu’à Noël 1938. Entre avril 1935 et décembre 1938, la production totale des coupés Atalante sur châssis Type 57 et 57C est d’environ 33 unités.
La dernière Atalante construite en 1935, le châssis 57330 de la vente, est vendue à l’issue du Salon de Paris à un client fidèle de l’usine. Il s’agit de la toute première Atalante présentée en public lors d’un salon automobile.

Peu de temps après, elle passe entre les mains d’Albert-Hippolyte-Marie Marestaing (1911-1985). Celui-ci est un héritier d’une grande famille de la sidérurgie de l’Est de la France. Avant l’Atalante, il a pu se permettre de commander en juillet 1932, pour ses 21 ans, un Type 43 neuf. Suivront bien d’autres Bugatti dont le seul roadster Type 57 carrossé par Antem, châssis 57200. La revente de celui-ci, repris 40 000 francs par l’usine, lui permet avec une soulte de 50 000 francs de se porter acquéreur le 21 décembre 1935 de l’Atalante 57330. La voiture sera immatriculée neuve sous le numéro parisien 3304 RK. Elle est sans doute enregistrée à son domicile parisien de la rue de Raynouard, mais elle séjourne probablement durant les beaux jours au château de Mauran, propriété familiale située à Martres-Tolosane, au sud de Toulouse.

Passionné d’automobile, A. Marestaing est un proche de Bugatti et surtout du célèbre pilote Jean-Pierre Wimille. Il conserve la Bugatti jusqu’au 24 novembre 1936, date à laquelle elle est revendue à un second propriétaire parisien qui demeure inconnu. Un an plus tard, la Bugatti est acquise par son troisième propriétaire, Henri Berlaimont. Celui-ci est un industriel, brasseur dans le Nord, qui s’est installé dès 1920 dans la région de Saint-Quentin. Il a bientôt pris la direction de deux des plus importantes brasseries de la ville, celle de la « Pomme Rouge » et celle des « Deux Cigognes ». Dès 1925, cet amateur de belles voitures devient client assidu de Bugatti, dont il possèdera avant-guerre plus de dix modèles, du Type 30 au Type 43, plusieurs Type 50 et enfin l’Atalante 57330 acquise le 31 janvier 1938. Sa toute dernière Bugatti, achetée en 1952, sera l’un des deux coupés Gangloff sur châssis type 57S. Le coupé 57330 sera immatriculé dans l’Aisne sous le numéro 1197 AF 5, au domicile de H. Berlaimont, 7 rue Jean Jaurès à Saint-Quentin, mais la voiture est entretenue et parquée dans les garages de la brasserie. Pour s’offrir son nouveau pur-sang, l’industriel a revendu le Type 50 qu’il possédait depuis quatre ans.

L’Atalante sera réquisitionnée par les autorités allemandes durant la guerre, comme noté au dos de la seule photo retrouvée dans les archives familiales Berlaimont. Les belles Bugatti ont toujours eu les faveurs des officiers de la Wehrmacht… mais bien souvent les voitures étaient délaissées après quelques mois d’utilisation et réquisition d’une nouvelle favorite. Ainsi, le coupé Atalante passe en zone sud de la France et se retrouve abandonné à la fin de la guerre dans la région bordelaise.

Les années d’après-guerre
Au lendemain de la guerre, le véhicule est vendu par l’Etat et doit être réceptionné aux Mines le 10 août 1948 avant ré-immatriculation par un garage. Le nouveau propriétaire qui remet le coupé sur la route est André Baillac, garagiste au 31 rue Tastet, à Bordeaux. A la même période, cet amateur éclairé a également sauvé de l’oubli une rare Bugatti Type 35B. De son côté, l’Atalante 57330 reçoit le 12 août 1948 l’immatriculation 3701 GC 4. Le garage Baillac, concessionnaire Austin pour la région, sera en activité jusqu’en 1977. Il est possible que ce professionnel ait retrouvé la voiture non roulante et sans papiers au sortir de la guerre. Un mois après la réception aux Mines par A. Baillac, le coupé Atalante est vendu à un passionné de Bugatti, issu d’une vieille famille des Deux-Sèvres : Jean-Fernand-Maris Piet-Lataudrie (1899-1979). Armateur, il partage son temps entre le domaine familial de Sainte-Neomaye (sur la Sèvre niortaise), son domicile de Boulogne-sur-mer au 12 rue de la scierie, et les États-Unis où il supervise la construction de ses bateaux. A cette période, il possède déjà une première Bugatti, et l’Atalante acquise en 1948 sera bientôt sa favorite. L’entretien du véhicule sera toujours confié à l’ancien mécanicien en chef du garage Bugatti de Niort, Paul Thomas. Après 1950, Jean Piet-Lataudrie conserve la Bugatti après sa ré-immatriculation dans le nouveau système. Elle porte alors les plaques 440 BJ 79. Jean Piet-Lataudrie s’éteint en 1979 à Boulogne-sur-Mer.

Auparavant, en 1959, le coupé 57330 a quitté le pays niortais pour prendre la direction de la capitale. Le 9 mars 1959, il est immatriculé sous le numéro 3844 HT 75 au nom d’Eligio-Bruno Bonardi, domicilié 153 boulevard Saint-Germain, à Paris. Bonardi, jeune italien de 34 ans originaire de Parme, était un habitué des nuits parisiennes aux activités basées sur le charme et les relations humaines, selon les souvenirs du propriétaire suivant. Bonardi néglige un peu la voiture qu’il ne souhaite que voyante et bruyante.

Trois ans plus tard et marquée de quelques dégradations dues à une utilisation citadine, la Bugatti est revendue à un véritable amateur, collectionneur de la première heure et connaisseur de l’histoire automobile, Robert Cornière (1909-2002). Amateur éclairé, passionné de Bugatti et de Voisin, il remise dans les années 1960 de nombreux modèles de ses deux marques fétiches au cœur de sa propriété campagnarde. Ainsi, l’Atalante voisine avec un modèle de chaque Bugatti, l’ensemble formant une des plus grandes collections de la marque, avant l’engouement des investisseurs.
C’est donc en avril 1962 que Robert Cornière achète le coupé Atalante du Salon de Paris 1935. Le moteur est hors d’usage, à cause des mauvais traitements du fougueux italien. La voiture sera révisée et entretenue dans l’antre de Henri Hauswald, à Levallois. Ancien mécanicien de l’atelier de réparation de Bugatti Paris, il connaît le modèle sur le bout des doigts. L’Atalante est repeinte en crème et brun, ses coloris d’origine, mais avec une découpe inversée. Dans le garage de Hauswald se trouve le moteur neuf d’usine numéro 548, caché en 1941 à Bordeaux avec le stock de Molsheim, puis ramené à Paris. Ce moteur, de même qu’une boîte et un pont, est transféré sur le châssis 57330 dont la mécanique d’origine, numéro 232, sera conservée en pièces de rechange par Robert Cornière avant d’être cédée en 1977 à René Giordano. L’Atalante 57330 est utilisée par son propriétaire pendant une dizaine d’années avant d’être vendue en mars 1975 au collectionneur parisien Michel Seydoux.

Le 7 mai 1986, Hervé Ogliastro, président du Club Bugatti France, se porte acquéreur de la voiture lors d’une vente aux enchères au Château de Fontainebleau. Particulièrement satisfait par la qualité de la restauration de sa Ferrari Daytona menée par André Lecoq, il confie aussitôt l’Atalante aux Etablissements Lecoq, à Saint-Ouen, pour une restauration parfaite, tout en conservant les coloris d’origine toujours inversés. Il utilise ensuite à de nombreuses reprises la voiture lors d’évènements organisés par le club à Montlhéry, ainsi qu’à l’occasion de concentrations internationales et la voiture remportera sa catégorie dans le premier concours d’Elégance de Bagatelle. Le moteur a récemment été entièrement refait. Les pistons, les soupapes, la ligne d’arbre tout a été revu et révisé par le mécanicien bien connu de la collection, Francis Courteix. L’embrayage a été remplacé. Depuis ces travaux, la voiture a parcouru moins de 5 000 km toujours dans des mains expertes.

Première Atalante à avoir reçu la lumière des projecteurs lors du Salon de Paris d’octobre 1935, le châssis 57330 est de retour dans la capitale pour le Salon Rétromobile 2017. En 1935, l’atelier de la carrosserie Bugatti a produit huit coupés à toit ouvrant sur châssis Type 57. Le coupé 57330 est le seul qui ait survécu sur son châssis d’origine.

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