Rétromobile 2017 – Bugatti Type 57 coach Pre-Série Gangloff de 1934

Rétromobile 2017 – Bugatti Type 57 coach Pre-Série Gangloff de 1934

L’une des trois Bugatti coach Gangloff réalisés en 1934 sur châssis 57 était mise en vente par Artcurial au salon Rétromobile 2017. La Bugatti Type 57 coach Pre-Série Gangloff de 1934, châssis 57106, est l’une des rescapées avec une histoire passionnante.

Commandé au printemps 1934 par le concessionnaire Bugatti de Toulouse, Fernand Leyda, ce châssis est payé le 29 mai 1934 au tarif agent, soit 60 800 francs (prix consenti aux concessionnaires pour une voiture de type 57 carrossée à l’usine en berline Galibier ou cabriolet Stelvio). Sans doute Leyda s’est-il acquitté par avance du prix du châssis, augmenté du devis de carrosserie de Gangloff qui sera chargé de la réalisation de la caisse.

Coach Gangloff et coach Ventoux
Le châssis 57106, équipé du moteur 40, est assemblé à l’usine Bugatti dans les premiers jours du mois de juin 1934, quinze autres châssis du même modèle étant assemblés ce même mois. Le 12 juin 1934, le châssis roulant est conduit par un ouvrier de Molsheim jusqu’aux ateliers du carrossier Gangloff, rue Stanislas à Colmar. Là, il reçoit une carrosserie coach, quatre places, deux portes, dont le dessin est dû aux stylistes Gangloff. La fabrication de la caisse est confiée à l’ouvrier Schmidt, et la voiture figure dans le registre de fabrication du carrossier sous le numéro 76. Il s’agit du premier coach quatre places réalisé par la maison de Colmar sur châssis Bugatti Type 57. Il ne faut pas le confondre avec le coach Ventoux réalisé par l’usine Bugatti à Molsheim. Celui-ci, sur un dessin de Joseph Walter, est apparu pour la première fois sur le numéro de série 57119, qui a quitté la carrosserie le 2 juin 1934, soit dix jours avant que le châssis 57106 ne rentre en travaux chez Gangloff. Ce n’est pas le premier type de caisse sur châssis type 57 produit par l’usine Bugatti, car elle a débuté en septembre 1933 par la réalisation de berlines quatre portes et quatre places, baptisées Galibier.

Le dessin de 57106
La caisse réalisée chez Gangloff sur 57106 est différente du modèle Ventoux usine par son traitement du pavillon, plus lumineux et doté de surfaces vitrées plus généreuses. L’encadrement des fenêtres vient au contact du toit et du montant de pare-brise, affinant ce dernier. La ceinture de caisse est soulignée par une moulure chromée qui crée une séparation sur toute la longueur de la carrosserie, permettant une découpe de couleurs en deux tons qui se prolonge jusqu’à la malle arrière. Les portes sont articulées sur trois charnières placées en avant, permettant une ouverture dans le « bon » sens, à la différence des coachs usine.

Jeunesse dans le Sud-Ouest (1934-1946)
Il faut compter quatre à six semaines pour la construction d’une caisse par les ateliers Gangloff de Colmar. Mais la Bugatti 57106 a été immatriculée à la préfecture du Tarn-et-Garonne dès livraison du châssis à Colmar, soit le 12 juin 1934, sous le numéro 1763 YS 1. Elle est au nom de son premier propriétaire, Jean Baylet, maire de la commune de Valence d’Agen. Directeur administratif, puis rédacteur en chef du journal Le Petit Toulousain, il devint également, à l’âge de 26 ans, le plus jeune maire de France. Il est déjà fidèle client de Bugatti et Gangloff car il s’est fait construire en janvier 1931 par le carrossier de Colmar un faux-cabriolet 2/3 places sur châssis type 49. Ce véhicule sera revendu en juillet 1934, à la période d’achat du coach 57106.

Les Bugatti de Jean Baylet
La Bugatti coach Gangloff 57106 du jeune maire file quotidiennement à vive allure sur la route qui mène de Valence à Toulouse, villes distantes de près de 100 km. Le chauffeur de Jean Baylet, Charles Sabatier, se souvenait que son patron et ami ne lui laissait que bien rarement le soin de conduire ses Bugatti. En véritable passionné, Jean Baylet prenait lui-même le volant, pour son plus grand plaisir! Après l’acquisition de deux coachs Gangloff type 57 en 1934, châssis 57106 et 57121, le jeune politicien commande en 1937 au carrossier de Colmar le premier cabriolet type 57 à compresseur, châssis 57466, puis en mars 1939 l’un des derniers exemplaires de ce modèle, châssis 57817.

Les coachs Gangloff type 57 de 1934
Le coach 57106 est le premier carrossé par Gangloff en 1934 sur le nouveau châssis type 57. Il porte le numéro de commande 76, qui correspond sans doute aussi au numéro de caisse. Un coach aérodynamique, commande numéro 79, châssis 57149, est réalisé en août 1934 pour un médecin de Troyes. Un troisième et dernier coach Gangloff sur châssis type 57 sera construit en 1934. Il s’agit du châssis 57121, livré également à Leyda pour Jean Baylet! Son dessin est similaire à celui de 57106. Ainsi, Baylet fut le premier propriétaire de deux des trois coachs Gangloff type 57 réalisés en 1934. La commande rapprochée des deux voitures a sans doute une explication dans les détails qui suivent. Le registre d’usine de réparation des moteurs type 57 indique à la date du 24 octobre 1934, à propos de la voiture 57106 /40 : « Moteur 40, révision du moteur, la bielle numéro 1 était coulée. Changé les engrenages d’arbre à cames et l’engrenage inférieur. Changé l’arbre à cames d’admission, fendu au palier du milieu. Remplacé deux pistons qui étaient trop faibles. Deuxième retouche : changé 6 pistons trop faibles. »

Le coach 57106 est sans doute conservé par l’usine avant reprise officielle par Leyda en février 1935. Le 12 novembre 1934, Fernand Leyda passe commande du châssis 57121 pour son fidèle client Jean Baylet. Le châssis est facturé 49 600 francs et sera détruit en juin 1957 dans un accident sur une petite route du Cantal. Mais une photo de cette voiture prise avant le jour fatal nous montre un coach en deux tons : flancs clairs et ailes, dessus du capot et pavillon sombres. 57106 présentait probablement à l’origine les mêmes découpes de couleurs.

Le 19 février 1935, la Bugatti 57106 est officiellement revendue au garage de Fernand Leyda, agent Bugatti, au 20 rue Denfert-Rochereau à Toulouse. Le véhicule reçoit l’immatriculation 7770 FS 3. Deux mois plus tard, un client se présente et se porte acquéreur de la voiture, presque neuve et révisée par l’usine Bugatti en octobre 1934. Il s’agit de Raymond Grillon, de La Réole, près de Bordeaux, qui en devient pour quatre ans l’heureux propriétaire, immatriculé en Gironde le 11 avril 1935 sous le numéro 2823 GA 7. André Grillon, lui-même propriétaire d’un type 43 Grand Sport en 1939 et cousin du propriétaire, se souvenait de cette Bugatti. Toutes les voitures étaient acquises et entretenues par le garage Bugatti de Bordeaux. Tenu par Léon Pierron au 27, rue du Bel Orme, à Bordeaux, c’est ce même garage qui reprendra le coach 57106 le 23 juin 1939. La Bugatti passera la guerre à l’abri avec les autres pur-sang confiés à Pierron. En 1945, le coach 57106 reprend la route avec un nouvel amateur, Paul-Louis Bricq, domicilié à Montbron (Charente), qui s’en porte acquéreur le 3 décembre 1945 et l’immatricule 2930 DB 4.

L’épisode Bricq
Paul-Louis Bricq, le plus jeune d’une fratrie de 4 co-directeurs de l’usine de textile familiale, sera fait prisonnier par les Allemands en 1940 et libéré par les Russes fin 1945. Durant ses cinq années d’absence, ses frères Robert, Jacques et Henri ont consciencieusement versé ses salaires et bénéfices sur un compte spécial et sont fiers, à son retour, de lui offrir ce pactole. Depuis les années de guerre, Louis ne rêve que de Bugatti. Il va utiliser toutes ces économies pour s’offrir le coach Gangloff 57106 qui l’attendait chez Pierron à Bordeaux! D’après les souvenirs de son neveu, « la Bugatti était en deux tons, beige et marron ou beige et bordeaux. Les frères ne furent pas enchantés de cet achat inconsidéré. Cette voiture occasionna à Louis Bricq des ennuis fréquents. Il faisait venir d’Alsace un mécanicien de l’usine Bugatti pour mettre au point la mécanique qui ne lui donna jamais satisfaction, raison pour laquelle le véhicule fut revendu après quelques mois seulement. » Ainsi, au printemps 1946, la Bugatti quitte le Sud-Ouest pour remonter vers la capitale.

L’histoire après-guerre
Le 16 avril 1946, elle est immatriculée dans le département de Seine-et-Oise sous le numéro 9753 YC 6, au nom de Jean Danis, 12 rue du parc de Clagny, à Versailles. Jean Danis conserve la Bugatti quatre ans avant de la revendre à Paris le 26 juillet 1950 à Edouard Pradel, 7 rue Marguerite, et enregistré sous le numéro 1202 K 75. Cet amateur roule quelques temps avec la voiture avant de la remiser assez vite dans sa propriété, au sud de la capitale. Elle y sera découverte dix ans plus tard. Jean Paul Guillemot nous a confirmé avoir acquis la Bugatti directement auprès de Pradel. Ce Parisien possédait une campagne dans l’Yonne, près d’Auxerre et, par relations, le jeune J-P Guillemot (qui n’avait n’a que 18 ans) a pu localiser et acheter l’auto le 25 octobre 1962. Mais le jeune amateur n’aura jamais les moyens de restaurer ni même de remettre en route la Bugatti, qui dormira dans les locaux d’une entreprise familiale. C’est alors que Maurice Sauzay, amateur lyonnais et membre comme J-P Guillemot du club des AAA, apprend l’existence de la belle endormie. Il demande à son ami Jacques Lefranc, de Surry-le-Comtal, de l’aider à financer cet achat qui est acté le 16 septembre 1972. Le coach Gangloff prend alors le chemin de la carrosserie Sauzay au 28 quai Perrache, à Lyon. Une nouvelle robe grenat remplace bientôt la peinture noire qui était sienne depuis les années 1950. La sellerie en peau de porc d’origine est conservée.

Peu de temps après, la voiture est revendue à Yves Anselin, de Lyon, puis immatriculée dans le Rhône sous le numéro HN 69. Une première mise au point mécanique est entreprise par Henri Novo. En septembre 1981, le coach Gangloff participe aux évènements organisés en Alsace pour le centenaire Bugatti. Au début des années 1980, Yves Anselin demande au spécialiste Bernard Viallon de réviser la mécanique : le moteur est déposé et bénéficie d’une restauration en règle, avec également réfection de l’embrayage. Encore en rodage, la voiture sera présentée vers 1984 par Bernard et Nicole Viallon à un concours d’élégance sur la Riviera. Vers 1986, la voiture est revendue à Michel Jospin, un amateur de la région niçoise, et reçoit l’immatriculation 5829 WC 06. Elle est régulièrement entretenue par son propriétaire pendant ses dix ans de possession.

Le 24 novembre 1996, elle est revendue au négociant parisien Jean-Claude Houdayer, du garage Passionauto à Nanterre. Il la propose à la vente par l’intermédiaire de « La Galerie des Damiers » de Christophe Pund, mais elle sera finalement achetée directement à JC Houdayer, en décembre 1996, par le Dr Michel B., de Paris. En décembre 1999, le négociant lui reprend le véhicule avant de le céder en 2000 à un autre collectionneur, Pascal Pessiot, de Paris. Le coach 57106 est alors confié aux bons soins de la carrosserie Lecocq à Saint-Ouen. La caisse est mise à nue et repeinte en deux tons, noire à flancs rouge, avec une découpe de couleurs qui évoque celle des coachs Ventoux de la période 1934-1935. L’actuel propriétaire fait l’acquisition de ce premier coach Gangloff réalisé sur châssis type 57 en 2004.

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