Rétromobile 2018 – Horch 853 Sport Cabriolet de 1937 d’origine et dans son jus

Rétromobile 2018 – Horch 853 Sport Cabriolet de 1937 d’origine et dans son jus

Cette Horch 853 Sport Cabriolet de 1937 (châssis 853493) exposée chez Artcurial au salon Rétromobile 2018 a connu une histoire extraordinaire, qui lui permet de se présenter aujourd’hui dans un état d’origine très exceptionnel.

La Horch 853 faisait partie des voitures les plus luxueuses et les plus raffinées de son époque. Marque la plus prestigieuse du groupe Auto Union (formant les quatre anneaux avec Audi, Wanderer et DKW), elle s’adressait depuis les années 1920 à une clientèle fortunée, avec un moteur huit-cylindre conçu par Paul Daimler, fils de Gottlieb Daimler. En 1930 sous l’impulsion du concepteur en chef Fritz Fiedler, une nouvelle gamme était élaborée avec un moteur plus moderne et les versions 853 présentées en 1935 ont rencontré un succès immédiat grâce à une ligne élancée et sportive. Fiedler rejoignait ensuite BMW et développait la fameuse 328. De 1935 à 1939, les Horch 850 et 853 ont été produites à un millier d’exemplaires, ce qui est significatif de leur réussite pour un modèle aussi cher et prestigieux.

Le 19 avril 1937, cette Horch 853 Sport Cabriolet arrivait en Norvège chez l’importateur Mercedes, Bertel Otto Steen, pour être livrée le 13 mai suivant à Aksel Holm, consul d’Allemagne basé dans la ville d’Ålesund, sur la côte au nord d’Oslo. La transaction s’effectuait pour la somme de 18 000 couronnes norvégiennes, somme très élevée pour l’époque : c’est de loin la voiture la plus chère mentionnée sur la page du registre de vente de Bertel Otto Steen, plusieurs voitures américaines de luxe (Packard, Franklin, Lasalle ou Buick) apparaissant pour des sommes de 8 à 13 000 couronnes.

Il faut dire qu’Aksel Holm était un homme fortuné, qui avait bâti sa réussite sur la fabrication de tonneaux, puis la production d’huile de foie de morue, produits largement exportés en-dehors du pays. Le fils d’Aksel, Oluf, développait même sa propre flotte de bateaux de pêche. Il convient par ailleurs de rappeler que, à cette époque, la Norvège entretenait de bonnes relations avec l’Allemagne, si bien que l’achat d’une voiture de ce type n’avait pas de caractère politique. Aksel Holm utilisait la Horch dans la région d’Ålesund et se rendait parfois à Oslo si bien que, au début de 1940, la voiture n’avait encore couvert que 10 000 km. C’est à ce moment-là que la Norvège entrait en guerre, en étant envahie par les armées allemandes auxquelles le pays se rendait le 10 juin 1940. Auparavant, le roi Haakon II de Norvège s’était réfugié en Angleterre pour y former un gouvernement en exil.

Par sa position de consul, Aksel Holm parvenait à nouer une relation particulière avec l’occupant et il était autorisé à conserver ses deux voitures, la Horch et une Lincoln, jusqu’en 1943 où la situation se dégradait avec l’arrivée d’un nouveau commandement. Les voitures étaient alors réquisitionnées et la Horch envoyée sur la base aérienne de Trondheim, au nord d’Ålesund. Ce site était alors utilisé comme quartier général de l’armée de l’air allemande en Norvège ; il servait notamment de base pour les bombardiers Focke Wulf 200 et de point de surveillance des convois de sous-marins américains cherchant à rejoindre la côte nord de la Russie.

Il est probable que, sur place, la Horch ait été utilisée par les officiers les plus gradés, tel que le général Ernst-August Roth, dernier dirigeant du site de Trondheim avant qu’il ne se rende aux forces norvégiennes le 9 juin 1945. Le lendemain, s’étant rendu sur place au moment de la Libération, le prince Olav de Norvège utilise la Horch comme voiture de parade dans laquelle il célèbre la victoire, comme le montre d’incroyables photos datant du 10 juin 1945 où il est en compagnie du colonel Holtermann.

A cette époque, le kilométrage de la voiture était d’environ 15 000 km : sur la base de Trondheim, elle n’avait été sans doute utilisée que localement, l’avion étant un choix plus logique sur une telle base pour les longues distances. Elle avait bénéficié par ailleurs de l’entretien des mécaniciens militaires.

La Horch 853 était ensuite utilisée quelque temps à Trondheim par des officiels norvégiens. A la fin des années 1940, elle aurait connu un remplacement de palier de vilebrequin dans l’atelier de Peder Mo, réparateur dans cette même ville. Dans les années 1950, elle était vue successivement entre les mains d’un dénommé Invald Roning, de Trondheim, puis de M. Meihard qui la cédait à Knut Holmstad, lui-même en contact avec un spécialiste Horch suédois. Il est donc possible que la Horch 853 Sport Cabriolet portant le châssis numéro 853493 ait fait un séjour en Suède, peut-être au début des années 1960, date à laquelle Ola Borge fait connaissance du propriétaire et achète la voiture pour sa collection.

Basé en Norvège à Loneway, près de Bergen, Ola Borge faisait partie des collectionneurs de la première heure et les moyens financiers que lui donnait son activité de tanneur lui permettait d’acquérir des voitures intéressantes. Ainsi, une photo datant de 1970 environ montre trois Horch huit-cylindres, dont la 853 Sport Cabriolet, en compagnie de ses trois enfants.

A cette époque, la voiture est en bon état de fonctionnement et Ola Borge l’utilise épisodiquement lors de balades en voitures anciennes, tout en ayant le bon goût de la conserver en l’état. Après son décès, en 2011, les héritiers décident de se séparer des voitures et la Horch 853 arrive chez un collectionneur allemand basé à Gütersloh qui la conserve deux ans. La voiture demeure dans son état d’origine lorsqu’elle est présentée en mars 2015 au salon Retro Classics de Stuttgart.

C’est là que l’actuel propriétaire en fait la découverte et, séduit par son état, décide de l’acheter en avril 2015 afin qu’elle enrichisse la collection « Volante » en Allemagne, où elle retrouvait d’autres belles classiques en état d’origine. Au moment de la transaction, le compteur indiquait 19 212 km, ce qui est très probablement le chiffre d’origine compte tenu de l’historique évoqué plus haut. En effet, après avoir quitté Trondheim, cette voiture n’a été utilisée qu’avec parcimonie par les collectionneurs qui l’ont successivement possédée.

C’est pourquoi elle se présente aujourd’hui dans un état d’origine stupéfiant. La voiture a été probablement repeinte dans les années 50, la capote semble avoir été remplacée, il y a fort longtemps. Tous les éléments mécaniques sont aussi ceux d’origine, y compris les accessoires comme le carburateur Solex, l’allumeur et la bobine Bosch, le radiateur, le système de graissage central ou le boîtier de direction ZF et, si les soubassements et certaines pièces présentent un état légèrement corrodé de surface, la rouille ne représente pas de menace sur leur intégrité et tout a été fait pour que la voiture ne se dégrade pas.

A l’intérieur, la sellerie est complètement d’origine et il s’agit sans doute de la seule Horch au monde qui en bénéficie. Les sièges montrent évidemment des signes d’usure, mais cette patine leur donne le charme de l’authenticité. Les bois de portes et de tableau de bord n’ont fait l’objet d’aucune restauration et ne souffrent que de craquelures et d’un vernis terni, signe de 80 ans d’existence. Les contreportes sont impeccables et aucune pièce ne manque.

Depuis son achat par l’actuel propriétaire, cette voiture a remporté plusieurs prix, aux concours de Ludwigsburg et de Schloss Dyck.

Cette Horch 853 mise en vente est accompagnée d’une étude de 80 pages de l’historien et spécialiste Horch Karl Schack. Elle est sans doute l’une des survivantes les plus exceptionnelles, pour avoir réussi à traverser 80 ans sans dégradation ni remise en état. En cela elle constitue un témoignage à la fois historique, rare et émouvant de ce qu’elle était à sa sortie d’usine. Un état qu’aucune restauration ne saura jamais reproduire, quel qu’en soit le prix.

Photos : 4Legend.com / Artcurial

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