Porsche 356 SL de 1950 – La première Porsche ayant gagné les 24 Heures du Mans en 1951

Porsche 356 SL de 1950 – La première Porsche ayant gagné les 24 Heures du Mans en 1951

Voici une belle histoire de la découverte inattendue et la restauration de la toute première Porsche victorieuse au Mans : la Porsche 356 SL (châssis 356/2-063) de 1950 avec une carrosserie en aluminium (dite Gmünd). Transformée en spyder, elle a été entièrement restaurée à l’origine suite à la découverte de son passé glorieux.

Origine de la Porsche 356/2-063
L’histoire débute en 1948 lorsque Ferry Porsche a fondé la société de construction automobile Porsche originalement basée à Gmünd en Autriche. Après avoir conçu et présenté en 1948 la Porsche 356 Nr.1 Roadster, la jeune entreprise a fabriqué ses premières voitures de série : 52 Porsche 356 coupés et cabriolets dits « Gmünd » se démarquant par leurs carrosseries entièrement en aluminium et façonnées à la main.

En 1950, la société s’installe dans le fief historique de Stuttgart afin d’y produire en grande série la famille 356 avec des carrosseries en acier avec l’aide de Reutter.

Lors du déménagement du constructeur automobile à Stuttgart, il restait quelques carrosseries de véhicules inachevés qui y étaient laissées. La matière première étant chère, il était hors de question de les abandonner. Ainsi, en 1950, des ouvriers du constructeur automobile Tatra ont terminé ces voitures pour les livrer par la suite à Zuffenhausen. Parmi ces carrosseries se trouvait la Porsche 356 châssis 356/2-063.

A l’occasion du Mondial de l’Automobile de Paris 1950, Ferdinand Porsche a décidé d’engager une voiture aux 24 Heures du Mans l’année suivante en 1951. L’idée est venue suite à une discussion avec Auguste Veuillet (pilote et jeune importateur Porsche via sa société Sonauto) et Charles Faroux (cofondateur et directeur des 24 Heures du Mans de 1923 à 1956).  Cette décision fut importante, la société étant assez jeune et peu connue.

1ère participation : 1ère victoire au Mans
Pour sa première participation au Mans, le constructeur allemand de voitures de sport a préparé quatre voitures afin de réaliser des essais et les engager.Deux voitures étaient construites par Reutter (châssis 356/2-056 & 356/2-063) et les deux autres par Dannenhauer (châssis 356/2-054 & 356/2-043). Les finitions incluant l’installation de certains éléments comme les feux supplémentaires Bosch à l’avant ou les éléments aérodynamiques caractéristiques des 356 SL étaient réalisée par Reutter à Stuttgart.

Les voitures ont pris la dénomination 356 SL, le SL signifiant Super Leicht (Super Léger), chaque véhicule de course ne pesant que 640 kg grâce à sa carrosserie aérodynamique en aluminium avec des roues carénées. Un plus gros réservoir de 68 litres a été installé à l’avant sous le capot, derrière la roue de secours, avec un accès sur le capot. Paul von Guilleaume était chargé de gérer la nouvelle équipe sportive.

Les préparatifs ne sont pas passés comme prévu. Après trois accidents lors des essais et des reconnaissances de la piste, il ne restait plus qu’une voiture prête à prendre le départ : le châssis 356/2-063 portant le numéro 46 et l’immatriculation AW21-0729. A l’origine, deux Porsche 356 SL (numéros 46 et 47) étaient survivantes pour participer à la course. Mais la #47, ayant été victime d’une sortie de route durant les essais aux mains de Rudolph Sauerwein (dont le copilote était Robert Brune), a dû abandonner.

Cette première participation historique de Porsche aux 24 Heures du Mans était très importante pour le constructeur, ouvrant la voie à une carrière couronnée de succès et qui est loin d’être terminée. Pour l’anecdote, cette Porsche était la première voiture allemande à avoir participé à la course depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

La seule Porsche ayant pris le départ le samedi 23 juin 1951 était une Porsche 356 SL développant 46 ch via un moteur Flat 4 de 1 086 cm3 et pouvant atteindre 160 km/h. Elle était pilotée par Auguste Veuillet et Edmond Mouche.

La course a été éclipsée par de fortes pluies et des accidents graves. Cela n’a pas empêché la Porsche #46 de fonctionner parfaitement et de tourner dans une remarquable régularité.

Ses passages aux stands battaient des records de temps et les ravitaillements s’enchaînaient à la perfection. L’expérience acquise en 1949 par Auguste Veuillet sur une Delage avait porté ses fruits pour cette première participation.

Son meilleur temps au tour était de 5:44,7 minutes au 158ème tour, ce qui correspond à une moyenne de presque 139,750 km/h. Après avoir passé le drapeau à damier, l’équipage Porsche a remporté la victoire dans sa catégorie et a terminé 20ème au classement général.

Avec 2 840,65 km parcourus, soit une moyenne de 118,36 km/h sur 24 heures, l’écart avec le vainqueur de l’épreuve au général – la Jaguar Type C des britanniques Walker et Whitehead ayant parcouru 3 611,193 km – était assez important : 770 km. Cette première victoire pour Porsche a permis de mieux faire connaître le jeune constructeur et notamment la 356.

Participation à d’autres courses
Deux mois plus tard, cette Porsche 356 SL participait à la course Liège-Rome-Liège. Les clignotants ont été déplacés plus à l’extérieur pour faire place à la fixation de klaxons supertone et à des feux auxiliaires plus puissants. Pour le départ de cette course, le numéro 16 a fait son apparition sur la carrosserie. Lors de son passage au niveau du drapeau à damier, elle est arrivée à la 10ème place au classement général.

Un peu plus d’un mois plus tard, la 356/2-063 a établi trois records internationaux sur le circuit de Montlhéry. Mais contrairement à aujourd’hui où les voitures de course victorieuses sont gardées précieusement par le constructeur, la championne du Mans avec deux autres Porsche 356 SL (châssis 356/2-054 et 356/2-055)ont été exportées aux États-Unis à la demande de Max Hoffman après avoir été complètement réparées, repeintes et restaurées en configuration de véhicule de série.

Histoire mouvementée aux États-Unis
Arrivée aux États-Unis avec les deux autres 356 SL, cette Porsche spéciale a été vendue par Max Hoffman à Jack Rutherford qui lui a rapidement rendu.

Le prochain propriétaire était Johnny von Neumann en 1952. La voiture était destinée pour faire des courses automobiles très populaires à cette époque. C’est d’ailleurs grâce aux États-Unis que la Porsche 356 a connu un grand succès tout comme ses dérivés.

Pour être plus performante sur la piste, une perte de poids était nécessaire malgré déjà sa légèreté via sa carrosserie en aluminium. Johnny von Neumann avait ainsi demandé au carrossier Emil Diedt d’enlever le toit.

Par la suite, différents propriétaires se sont succédés : Bill Wittington, Rick Gale, Ernie Spitzer, Dick Cotrell et enfin Chuck Forge en 1957. Comme tous les propriétaires précédents, il a également piloté la voiture sur circuit. À un moment donné, l’ancienne championne du Mans avait même des feux arrière circulaires, la voiture ayant évolué esthétiquement au fil du temps.

En 1981, la voiture a été entièrement restaurée et transformée en spyder, adoptant au passage une nouvelle teinte rouge brillante. Un arceau cage pour le conducteur a été posé afin de pourvoir participer aux course automobiles historiques.

Cette première restauration a été bien faite dans le style de l’époque, où l’apparence a été privilégiée sans se soucier de son origine. La voiture était dans cet état quand Cameron Healey l’a découverte pour la première fois. Tombé amoureux de cette voiture, il est resté en contact avec son propriétaire de l’époque Chuck Forge au fil des ans.

En 2010,  quelques mois aprèsla mort de Chuck Forge en 2009, Cameron Healey a pu acquérir la voiture convoitée. Bien qu’il était évident qu’il s’agisse de l’une des premières Porsche 356 à carrosserie en aluminium, son histoire passée, notamment en courses automobiles en Europe, était inconnue, même de son ancien propriétaire qui l’a gardée 52 ans.

Restauration à l’origine
Son histoire a été découverte lorsque la voiture est partie en restauration entre les mains expertes du spécialiste américain Rod Emory dans ses ateliers au Nord d’Hollywood à Los Angeles.

C’est en mettant la carrosserie à nue que des indices sont apparus : des marques éraflées sur les panneaux de carrosserie, des traces de clignotants ayant été déplacés, un léger dommage sur le cache-roue, comme on peut le voir sur des photos historiques du Mans. Tous ces éléments incohérents indiquaient que ce spyder avait une histoire à découvrir avec l’aide des archives Porsche à Stuttgart-Zuffenhausen. Après de nombreuses recherches, il était clair que cette voiture était la première Porsche victorieuse au Mans.

Après cette découverte, la restauration a pris une nouvelle direction : remettre en état la voiture comme elle était lors de la course en 1951. Pour cela, Rod Emory a mesuré les deux autres 356 SL existantes avec un laser, créé des moules en bois et construit un nouveau toit en aluminium avec des outils des années 1940. La restauration était très authentique et longue. Le résultat parle de lui-même : chaque détail de la 356/2-063 est présent et conforme à la voiture engagée aux 24 Heures du Mans 1951. La restauration a été terminée en 2015, pour une première présentation officielle à la Rennsport Reunion V la même année.

Les deux autres Porsche 356 SL ayant permis de prendre les cotes sont les châssis 356/2-054 basée au Mexique et 356/2-055 faisant partie de la collection Collier, basée à Naples en Floride.

En 2016, le célèbre animateur et collectionneur de voiture – Jay Leno – a réalisé une vidéo de la voiture avec une interview de Rod Emory pour sa célèbre émission Leno’s Garage, sur Youtube.

Une copie de cette voiture a été longtemps exposée au Porsche Museum, portant le même numéro 46 mais avec des éléments extérieurs et intérieurs différents. Cette voiture étant une Porsche 356 SL de 1950 (châssis 356/2-059), elle a été ensuite mise aux couleurs de l’une des voitures ayant participé à la course Liège-Rome-Liège, perdant au passage ses arches de roues.

L’intérieur bleu caractéristique est identique aux deux versions permettant de la reconnaître très facilement avec les mêmes usures sur le volant et les sièges. La 356 SL a été construite en petit nombre, pilotée plus tard par Herbert Linge tout comme Gilberte Thirion, connue comme étant la femme la plus rapide en Europe en 1950.

Photos : Theodor Barth / Drew Phillips / Porsche / 4Legend.com / DR – Vidéos : Jay Leno / Rod Emory / Rennfilms

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