Audi Front type UW Jaray de 1934 – Un prototype de véhicule très aérodynamique

Audi Front type UW Jaray de 1934 – Un prototype de véhicule très aérodynamique

Dans les années 1920 puis 1930, certains constructeurs automobiles dont Audi et DKW travaillaient sur de nouveaux véhicules à carrosserie aérodynamique offrant moins de consommation de carburant et un design plus en courbe. Un ingénieur de talent d’origine austro-hongroise, Paul Jaray, a révolutionné par son concept le design automobile, intéressant Audi et donnant naissance en 1934 à l’Audi Front type UW.

Paul Jaray, le visionnaire
Un début de carrière dans la conception de dirigeables, pour Zeppelin
L’histoire commence avec l’Autrichien Paul Jaray (né à Vienne le 11 mars 1889), qui a appris à devenir ingénieur à Vienne avant la Première Guerre mondiale. Il lui est vite apparu qu’il souhaitait se spécialiser dans la branche aérodynamique. Au début de la guerre, il était employé par les usines Zeppelin de Friedrichshafen dans le Sud de l’Allemagne. Dans le contexte des ballons dirigeables Zeppelin ressemblant à des crayons et plus légers que l’air, Jaray commence à rechercher la meilleure forme possible de dirigeable. À l’aide de paramètres tels que le diamètre / l’épaisseur, le volume, la section et les points de contrainte et de charge, il tente d’aborder le problème. Il propose le design sous la forme d’une larme, qui se caractérise par une coque plus épaisse au lieu d’une coque plus longue. Il est important que le rapport idéal entre la longueur et le diamètre soit d’environ 6:1. Afin de prouver sa nouvelle théorie, il doit d’abord la tester dans la pratique, réussissant à la deuxième tentative et dépassant même les attentes. En 1916, Jaray a été nommé ingénieur en chef et a créé et influencé l’apparence des zeppelins jusqu’à l’Hindenburg avec ses formes améliorées.

Dans la soufflerie construite à Friedrichshafen en 1921, il peut faire des essais sur des modèles afin de pouvoir étudier en détail l’interaction entre la direction du vent, la salle et le corps du dirigeable.

Une seconde carrière dans l’automobile
A la fin de la Première Guerre mondiale, Paul Jaray s’est tourné vers l’automobile, dont il a testé la structure à l’aide d’un modèle en soufflerie et a déterminé les conditions d’écoulement optimales entre le dessous du véhicule et la route. Jaray a pu présenter un premier prototype dès 1921 (la Ley T6), intégrant de nouveaux matériaux dans la construction automobile tels que l’acier et l’aluminium. S’inspirant de son expérience dans les dirigeables, il souhaitait intégrer la forme profilée de la goutte d’eau dans la voiture particulière. Le haut de la voiture était particulièrement étroit.

La caractéristique frappante de son design (brevet déposé) le 8 septembre 1921 est la forme en goutte d’eau avec une petite nageoire arrière, conception améliorée au fil du temps. Il est clair pour lui qu’en plus de la vitesse et de l’efficacité de la conduite, il doit également inclure l’aspect esthétique, la praticité et le confort de conduite comme composants importants de ses modèles.

Un aspect important de l’aérodynamique des véhicules sur les routes qui n’étaient pas encore pavées à l’époque était également de réduire la quantité de poussière soulevée. Cela contrastait avec les carrosseries de l’époque : grandes calandres verticales, grands garde-boue externes, phares fixées sur le carrosserie et non intégrés, gros pare-chocs externes, coffres spacieux à l’arrière, pare-brises peu inclinés, …

Il quitta donc finalement l’entreprise Luftschiffbau Zeppelin GmbH en 1923 et fonda sa propre entreprise en Suisse en 1927 : la Stromlinien Karosserie Gesellschaft basée à Brunnen. Poussé par le succès que le design en forme de larme célèbre désormais non seulement dans l’industrie automobile, mais aussi dans les appareils de cuisine, les meubles, les caravanes et les locomotives, Jaray commence à rechercher un constructeur automobile, notamment en Allemagne en proposant en autre son concept à Adler, Audi, Dixi, Maybach, Opel, BMW et à Mercedes afin de concrétiser ses idées. Il s’intéressa également au marché américain en fondant en 1931 aux États-Unis la société « Jaray Streamline Corporation of America » afin de proposer des licences de son concept de carrosserie aérodynamique. Le constructeur Chrysler fut intéressé et un prototype a été créé. La berline Chrysler Airtflow créé par divers designers avait une carrosserie très aérodynamique.

Malgré ses nombreux efforts et la réalisation de divers prototypes de différentes marques, il réussit «seulement» à convaincre la société tchèque Tatra via Hans Ledwinka (ci-dessus). En 1934, le grand modèle Tatra T77 a été présenté, équipé de phares intégrés, d’un gros moteur V8 positionné à l’arrière. La voiture de série avait un arrière en pente, au profil général très aérodynamique. En raison de la situation économique difficile au milieu des années 1930 et des coûts élevés, la société de Paul Jaray n’a pas pu réellement percée et convaincre. Le design des carrosseries de Paul Jaray était trop futuriste pour son époque.

Après la Seconde Guerre Mondiale, il travailla en tant qu’ingénieur indépendant, notamment dans l’énergie éolienne. Après avoir déposé de nombreux brevets relatifs aux flux de l’air et des gaz, il termina sa carrière professionnel en enseignant au sein de l’Institut Fédéral Suisse de Technologie. Paul Jaray s’est éteint à Saint-Gall (Suisse) le 22 septembre 1974.

Audi type K carrossée par Gläser de 1923
Le premier modèle aérodynamique construit pour Audi date de 1923, basé sur l’Audi type K qui avait du mal à se vendre. Ce prototype – dont la carrosserie profilée a été réalisée par Gläser et basée sur les brevets Jaray – avait un design en forme de goutte d’eau assez prononcé et avait pour avantage de réduire l’éjection de poussière en mouvement et une consommation de carburant réduite. Son design insolite pour l’époque l’empêcha d’être commercialisée malgré ses remarquables performances : une vitesse de pointe de 130 km/h contre 95 km/h sur l’Audi type K. La direction d’Audi n’a pas osé la produire de peur de l’échec, la clientèle habituelle étant bourgeoise et fortunée souhaitant des voitures aux carrosseries « classiques ».

Audi Front type UW Jaray de 1934
Pour le salon de automobile de Genève 1934, une Audi à moteur avant de 2 litres de 50 ch a été présentée aux côtés d’une Mercedes type 200 avec des carrosseries aérodynamiques de type Jaray. Les voitures ont été commandée par la société suisse AVP (AG für Verkehrpatente) de Lucerne.

Cette société avait été fondée avec des capitaux suisses afin de promouvoir les brevets de Paul Jaray pour l’Europe. AVP a fait carrossé fin 1933 le châssis d’une Audi Front type UW selon les principes de Jaray par le carrossier Huber & Brühwiler de Lucerne, à l’aide d’une structure en bois recouverte de panneaux en aluminium. Le Cx atteignait la valeur remarquable pour l’époque de 0,30. La vitesse maximale de l’Audi Jaray était de 135 km/h contre 110 km/h pour l’Audi originalement carrossée.

L’habitacle était assez petit, ne recevant que deux personnes; une petite portière de chaque permettant d’y accéder. Du côté conducteur, il faut insérer sa jambe droite dans l’espace où sont logées les pédales et jeter ses fesses vers le bas de l’assise, avant de trouver une bonne position. Il ne fallait pas être trop grand et trop enveloppé. Le tableau de bord était très simpliste, dépourvu d’instruments et doté d’un volant surdimensionné. Le pare-brise était aussi assez petit et même ouvrant. La lunette arrière est également très petite et la visibilité réduite. Par contre, la garde au toit est très grande, permettant de conduire avec un grand chapeau.

Immatriculée (LU-3956), cette voiture au design particulier a servi à Paul Jaray afin d’effectuer ses voyages de prospection à travers l’Europe. La miniature a été faite en édition limitée en 2020 au 1:43 par Autocult (ci-dessous).

En 1935, un grave accident a fortement endommagé l’Audi en Tchécoslovaquie mais elle a été réparé par le constructeur tchécoslovaque de motos Jawa.

A partir de 1939, Paul Jaray l’utilisa comme voiture personnelle, jusque dans les années 1950. C’est à cette époque que l’a voiture, dont le moteur était à bout de souffle, a brûlé suite à un incendie du carburateur, la faisant disparaître à jamais.

Construction d’une copie de l’Audi Front UW Jaray et mise en avant dans une publicité Audi en 2012
En 2012, Audi UK a mis en avant dans une publicité ce prototype afin de vanter la première génération de l’Audi A5 Coupé. La voiture étant considérée dans la publicité et surement à l’époque comme un vilain petit canard (rejeté de tous), elle se transforma 80 ans plus tard en un cygne, une voiture séduisante. Cette publicité a été organisée par l’agence Bartle Bogle Hegarty (BBH), à l’origine de la construction de l’Audi.

« L’original n’existait plus. Nous avons donc dû le recréer à partir de zéro. Martin Pac l’a construit en seulement 6 semaines, c’est un gars très brillant. La voiture est fidèle à l’original. », a expliqué Jan Heartfield, directeur créatif de BBH.

Martin Pac, modéliste spécialisé dans les automobiles, a ajouté : « Nous avons commencé avec des photos d’époque. Étant donné que la voiture semble si haute et courte, au début, je l’ai considérée comme une blague. Mais en réalité, elle fonctionne parfaitement, malgré son air de statue. »

La reconstruction de l’Audi Front Jaray en quelques semaines était un défi important, d’autant que la voiture roule parfaitement reprend de la voiture originale et que l’équipe de Martin Pac n’avait que deux dessins et trois photos! La version 2012 n’est pas aussi évoluée que l’originale mais elle donne le change, de loin.

Photos : Autocult / Audi / DR – Vidéo : Audi

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