Bugatti Type 43 Torpédo Grand Sport de 1929

Bugatti Type 43 Torpédo Grand Sport de 1929

La vente d’une vieille Bugatti est toujours un moment intense et passionnant. La célèbre maison de ventes aux enchères Artcurial proposait un rare exemplaire d’une Bugatti Type 43 Torpédo Grand Sport de 1929 (châssis 43186) à l’occasion de sa vente sur les Champs Elysées le 8 avril 2018. Mais en creusant, elle n’est pas aussi authentique…

La Bugatti Type 43 Torpédo Grand Sport est une voiture sympathique, à la fois élégante que sportive. Certains exemplaires ont été proposés à la vente depuis 2 ans (une Bugatti Type 43 Grand Sport de 1928 au salon Rétromobile 2015 & une Bugatti Type 43 Torpédo Grand Sport de 1928 au Chantilly Arts & Elegance 2017), ce 3ème exemplaire s’ajoute à la liste de ce modèle changeant de main.

L’exemplaire vendu par Artcurial est le châssis 43186, identifié tel quel lorsqu’il a été vendu en 1999 avec une carte grise française. Selon l’histoire racontée à cette époque par son vendeur cannois, la voiture aurait été conservée par un garagiste Bugatti parisien avant d’être vendue dans les années 1950 ou 1960 au collectionneur Robert Cornière. Il possédait une Bugatti Type 43, châssis 43305 ainsi, qu’en partie démonté, le châssis 43158, identifié plus tard et sans doute cédé au collectionneur cannois mentionné plus haut, par la suite vendeur de 43186.

Toutefois, la propriété d’un troisième châssis d’origine Type 43 (châssis 43186) par Robert Cornière n’est étayée par aucune information vérifiable. Le seul élément qui pourrait le confirmer est une photo prise à la fin des années 1970, sans doute dans la propriété de Seine-et-Marne de Robert Cornière, et qui montre un châssis qui pourrait être de Type 43, deux ponts arrière, des roues Bugatti aluminium Grand Prix, des roue alu de Type 49, un carter de boîte de vitesse, le tout chargé sur une remorque. Il est possible qu’un châssis 43 ait pu être stocké démonté par Robert Cornière, mais en aurait-il possédé deux dans le même état ? Aucune confirmation n’a pu être établie.

Inspection détaillée de cette Bugatti, réalisée par l’expert Pierre-Yves LAUGIER
Une inspection du véhicule fut organisée par Artcurial à Paris le 1er mars 2018 permettant d’effectuer les observations suivantes :

– Plaque de châssis : elle est en laiton, gravée 43186, rivetée sur le tablier et elle montre des chiffres qui ne sont pas conformes. De plus les lettres  » E  » des mots Alsace et Moteur ne sont pas conformes non plus. La plaque elle-même n’est donc pas de fabrication Bugatti.

– Train avant : il est numéroté 167. C’est un essieu de tourisme, conforme au modèle 43 ou 44, mais son numéro indique qu’il ne peut s’agir d’un essieu d’origine de Type 43, dont moins de 160 exemplaires ont été construits. Par conséquent, il s’agit probablement d’un essieu de Type 44.

– Moteur : le carter inférieur moteur porte sur sa patte arrière gauche le numéro du châssis dont la voiture prétend à l’identité. Ce numéro « 43186 » est gravé en assez petits caractères, qui ne sont en aucun cas dans le style de l’usine Bugatti. Ce même carter inférieur porte les numéros d’assemblage « 57S » sur la face antérieure de sa patte avant gauche, ainsi qu’une croix. La lettre « S » a dû être gravée deux fois. Sur la patte avant gauche de ce carter inférieur, le numéro de moteur a été effacé. Le carter supérieur moteur porte, sur l’embase du filtre à huile, le numéro 69 ainsi qu’un 8 couché, ou infini. Cette pièce semble ancienne et conforme.
La boîte à cames est neuve et conforme au modèle. Le carter d’entraînement du compresseur est de facture ancienne et porte le numéro 11. Le compresseur est neuf.

– Boîtier de direction : il est ancien, conforme et porte le numéro d’assemblage « 4 ».

– Boîte de vitesse : le carter de boîte est gravé « 186 ». Ce numéro est plus élevé que celui correspondant au nombre de boîtes de vitesse construites de la Bugatti Type 43 (159 ou 160 pièces seulement). Il ne peut donc s’agir d’une boîte d’origine de Type 43, mais elle est ancienne et les numéros sont parfaitement authentiques. L’identité prétendue de la voiture « 43186 » ne semble à l’origine basée que sur le numéro « 186 « de cette boîte de vitesses. Il s’agit en fait d’une boîte de Type 44. Pour s’en assurer, il faut inspecter les faces inférieures des pattes de fixation de cette pièce. En effet, une boîte de Type 44 comporte des pattes de 65 mm de haut, contre 48 mm pour les carters de boîte de Type 43. Or une observation attentive montre de façon évidente que le métal a été meulé pour perdre les 17 mm de différence.

– Pont arrière : il est étonnement gravé « 186 ». Ce « numéro gagnant » a sans doute été gravé par le mécanicien anglais, John Barton, quand la voiture est passée dans son atelier. Il avait en effet confié au magazine ‘La Vie de L’Auto-Rétroviseur’ : « Le pont était du Type 35 et je l’ai remplacé par un pont de Type 43. » Il a sans doute poussé le zèle jusqu’à faire coïncider le numéro du pont avec celui de la boîte. Lorsque la voiture était encore à Cannes, le pont portait le numéro 5 mais il n’était déjà pas d’origine Type 43 : en effet, sa face supérieure portait la lettre  » H « , qui n’existe pas sur les carters de Type 43, ni même sur les ponts de Type 35. Ainsi, la pièce échangée en Angleterre n’était de toute façon pas conforme au modèle.

– Châssis : le cadre du châssis porte plusieurs chiffres : « 88 » et, devant ce nombre, un « 6 » gravé plus finement. Aucune de ces deux inscriptions ne correspond au style de l’usine. L’analyse des numéros dans le métal de la traverse arrière, réalisée en Angleterre, semble indiquer qu’un ou deux autres chiffres ont été gravés sur cette même traverse emboutie en U. Apparemment, le premier était « 88 ». Par malchance pour le graveur, le châssis Type 43 d’origine au cadre « 88 » se trouve au musée de Mulhouse, collection Schlumpf. Par ailleurs, un « 6 » a été gravé, ajoutant encore à la confusion. Cette traverse arrière est boulonnée aux deux longerons, et non rivetée comme elle devrait l’être. Ce détail supplémentaire achève l’idée que le châssis de la voiture est de fabrication artisanale. L’analyse de la face supérieure du cadre en regard du support moteur arrière gauche est elle aussi révélatrice : elle semble indiquer que la pièce de forme triangulaire a été soudée au rail gauche du châssis, et que par conséquent elle n’a pas été formée à la presse avec l’ensemble. Enfin, le support arrière des lames de ressort, fixé sur le châssis, porte en creux le nombre 43 : un véritable non-sens car, à cet endroit, les numéros de fonderie sont toujours en relief. Toutefois, la pièce est ancienne et conforme au dessin du Type 38.

– Carrosserie : il s’agit d’un torpédo 3/4 places, Grand Sport. Neuve et de bonne facture, la carrosserie a été copiée sur une très bonne Type 43 (châssis 43279), non restaurée et qui avait été découverte dans l’Aisne dans les années 1970. Elle avait séjourné quelque temps chez Pierre Prieur, de Paris, qui avait pu en prendre les cotes. Il avait fait réaliser une carrosserie qu’il destinait à une voiture qu’il venait de trouver, en pièces et en châssis nu. Mais la caisse copiée ne fut jamais montée par Pierre Prieur qui a fini par la céder, avec les pièces dont il disposait, à un collectionneur de la région de Tours. Ce dernier a vendu la carrosserie un peu plus tard au collectionneur cannois mentionné plus haut. La planche de bord est neuve. Tous les instruments sont conformes au modèle et certains sont anciens.

– Radiateur : il est ancien et conforme au modèle.

– Roues : elles sont neuves du type Grand Prix, conformes au modèle de 1930, en une pièce d’aluminium coulé, telle qu’il était monté sur les dernières Type 43 vendues.

La voiture présentée à la vente est bien conforme dans son aspect extérieur au modèle Bugatti Type 43 Grand Sport. Sa mécanique est conforme au moteur de 2300 cm3 crée par Bugatti en 1927. Son moteur a été une dernière fois mis au point au printemps 2009 par un des meilleurs ateliers Bugatti français, « Roseau Racing Restauration » dirigé par d’Henri Roseau, formé chez Laurent Rondoni, de Carpentras. Lors de cette dernière restauration, les pièces ont été fournies par « Brineton Engineering », en Grande Bretagne. Les essieux et la boîte sont anciens et sans doute du Type 44, très similaires aux pièces du modèle Type 43. Par son dessin, le châssis est conforme au modèle mais son origine est inconnue et sa construction ne semble pas respecter les critères de la production Bugatti des Type 43 d’origine.

Expertise réalisée et rédigée par Pierre-Yves LAUGIER pour Artcurial en mars 2018

Mais alors que penser de cette Bugatti mise en vente?
Cette Bugatti Type 43 de 1929 a été en majeure partie construite à partir de véritables pièces d’origine Bugatti. Le prix d’une authentique Bugatti Type 43 avoisine les 2 500 000 euros, ce qui est loin de l’estimation d’Artcurial pour ce modèle en totale cohérence avec ce modèle : entre 500 000 et 800 000 euros.

Quand on regarde de près cette Bugatti Torpédo Grand Sport de 1929, on ne peut qu’être émerveillé par ses lignes et la qualité de son habitacle. Elle est en superbe état extérieur et fonctionne parfaitement. Elle est livrée avec sa carte grise française.

Un grand Merci à Cédric du Club Porsche 928 France pour les photos.

Photos : Cédric Christy pour 4Legend.com

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