Porsche 911 Turbo RS de 1975 – Un modèle spécifique conçu pour Herbert von Karajan

La passion de Herbert von Karajan pour Porsche
A côté de sa passion pour la musique, Herbert von Karajan a également développé une grande passion pour les voitures de sport, notamment celles construites à Zuffenhausen. Son attrait pour Porsche a débuté en 1955 avec l’acquisition d’une Porsche 356 Speedster. En 1959, lorsqu’il a appelé l’usine pour acquérir une Porsche 550 A Spyder de course. Il s’agissait du châssis 550-0131 qui avait participé aux 24 Heures du Mans 1957 avec le numéro 33. Elle était alors pilotée par Hans Herrmann et Richard von Frankenberg. Malheureusement, l’équipage a dû abandonner au bout de 8 heures de course suite à des problèmes d’allumage. Richard von Frankenberg l’a reçu à l’usine pour lui remettre les clés.

Plus tard, Herbert von Karajan a remplacé sa Porsche 550 A Spyder par une Porsche 718 RSK Spyder.

Plus tard, il a passé commande de différentes 911 dont la Porsche 911 Carrera RS 3.0 de 1974 produite à 55 exemplaires.

Herbert von Karajan était devenu un client très important pour Porsche. Ainsi, ses demandes étaient prises très au sérieux. Il était par exemple l’un des premiers clients de la Porsche 959 à tester la voiture sur un modèle de pré-série, bien avant sa présentation officielle. Il roulera peu de temps avec sa 959 rouge de 1988 équipée d’un rare intérieur en tissu, décédant le 16 juillet 1989. Il avait aussi acheté une autre 959.

Sa Porsche la plus célèbre est la 911 Turbo RS de 1975, à la fois très légère et puissante.

Porsche 911 Turbo RS 1975 de 360 ch
Dans les années 1970, le département Porsche Exclusive Manufaktur n’existait pas encore, Porsche était néanmoins en mesure de produire des modèles sur mesure pour certains clients très sélectifs dont Herbert von Karajan.

L’illustre musicien orchestra la construction de sa nouvelle voiture avec la même autorité empreinte de minutie dont il faisait preuve pour réaliser ses fantaisies musicales.

Lorsque Porsche a annoncé son nouveau modèle sportif adoptant pour la première fois un turbo, le chef d’orchestre a pu essayer un exemplaire lors d’une visite à l’usine en 1974. La trouvant trop lourde et trop luxueuse,il voulait autre-chose. Le Dr. Ernst Fuhrmann, alors directeur général de Porsche, lui proposa de construire une édition spéciale de la 911 Turbo 3.0, similaire à un prototype de pré-série basée sur une 911 Carrera RS 3.0 de 1974 possédée par Fuhrmann

Il a passé commande au service de personnalisation Porsche en 1974, via l’importateur suisse AMAG, d’une édition spéciale basée sur la 911 Turbo 3.0 type 930 qui venait d’être lancée :  une variante plus légère et plus sportive que le modèle de série développant déjà 260 ch.

Sa 911 devra peser moins de 1 000 kg, et le rapport poids/puissance se situer nettement en deçà de 4 kg/ch. Un véritable défi pour un modèle de série développant 260 ch pour un poids de 1 140 kg. Le directeur général de Porsche à l’époque – Ernst Fuhrmann – exauce le vœu de ce client de choix. La voiture pèse 1 130 kg d’après la copie de la carte grise.

Le résultat est assez surprenant : cette 911 Turbo associe le châssis de course de la 911 RSR à la carrosserie de la Carrera RS et est équipée de suspensions de course ainsi que des pare-chocs en aluminium.

Côté moteur, le moteur Boxer à 6 cylindres – doté d’un turbocompresseur plus généreux, d’une nouvelle turbine et d’arbre à cames plus finement usinés – développe près de 100 ch supplémentaires, soit 360 ch (265 kW).

L’intérieur noir était aussi allégé avec un minimum d’équipements : deux sièges baquets Carrera RS avec des harnais, un arceau de sécurité en acier prenant la place de la banquette arrière, mécanisme de verrouillage des portes actionné par des courroies en cuir au lieu du système traditionnel plus lourd, absence de radio, de haut-parleurs et d’antenne, absence de vitres électriques, absence de vitres teintées, absence de moquette pour un revêtement plus léger, absence du pare-soleil passager, absence de l’horloge remplacée par un cache, absence de chauffage automatique.

Cette voiture était équipée de 2 phares de rallye Cibié Pallas sur le capot et n’avait pas de feux antibrouillard avant. Malgré la contrainte de poids du départ, la climatisation et les lave-phares ont été montés. Lorsque la voiture était en sa possession, Herbert von Karajan a remplacé le rétroviseur droit existant par celui du modèle 1976 plus imposant.

Les jantes d’origine étaient des Fuchs en 15 pouces, chaussées de pneus Pirelli P7 en 205/50 R15 à l’avant et en 215/50 R15 à l’arrière.

Sa carrosserie grise a reçu une livrée Martini Racing, inspirée de celle de la Porsche 911 Carrera RSR Turbo 2.1 qui a terminé deuxième aux 24 Heures du Mans 1974. Cela fut possible grâce à l’autorisation de Martini & Rossi délivrée à Porsche par l’intermédiaire du comte Rossi. Les inscriptions Turbo et Porsche sont présentes de chaque côté sur les portes.

Pour l’anecdote, Porsche a réalisé pour un autre client en 1976 une 911 Turbo ordinaire (photo ci-dessus), présentant une décoration similaire avec uniquement l’inscription Turbo en bas des portes et sans les phares Cibié.

Son nom de famille est présent à l’arrière de la voiture, via un lettrage Porsche noir. A l’intérieur, une plaque commémorative est présente sur le tableau de bord indiquant : « Herbert von Karajan – 9305700206 – 1975 ».

Le châssis 930 570 0206, livré le 6 juin 1975 par AMAG en Suisse, est la seule Porsche 911 type 930 produite officiellement avec ces spécifications.

A l’usage, cette voiture semble assez dangereuse à conduire et ne procure pas le moindre plaisir à son conducteur. Cela est dû au déclenchement brutal du turbo à un certain régime, alors qu’en dessous la puissance et le coupe sont peu présents. L’arrière veut parfois passer devant, rendant la conduite parfois périlleuse.

Historique de la voiture
À sa vente en 1980 à un diplomate luxembourgeois, Herbert von Karajan n’avait même pas parcouru 3 000 km, comme l’indiquait son compteur.

Le second propriétaire n’a également pas beaucoup roulé avec. Il l’a revendu quelques années plus tard avec lui-aussi moins de 3 000 km au compteur à un français. Lors de sa vente en 1995, la voiture avait un peu plus de 9 000 km au compteur.

Le quatrième propriétaire était un français – Jean Verchère – qui l’a possédée de 1987 à 1995. Des modifications moteur avec un kit de pièces de moteur 3,3 litres ont permis d’adoucir la brutalité de la voiture, baissant la puissance à 340 ch. Le résultat est une voiture plus facile à dompter. Un étagement de la boîte de vitesses a également été réalisé afin d’avoir des rapports plus courts pour rester dans une plage moteur utile. Différentes pièces d’origine ont ainsi été retirées par de nouvelles. Ce dernier possède d’ailleurs encore les anciennes pièces chez lui.

Elle fut ensuite vendu au 5ème propriétaire qui l’a gardée de 1995 à 2004. Ce propriétaire suisse a eu un gros accident, nécessitant de l’envoyer chez Porsche à Stuttgart-Zuffenhausen afin de la réparer et la restaurer dans les règles de l’art. La caisse d’origine a bien été réparée et non changée.

En 2004, la voiture a été vendue à son sixième et actuel propriétaire, possédant une énorme collection de Porsche.

Elle a été exposée en 2014 au Porsche Museum dans le cadre d’une exposition spéciale sur les modèles Porsche les plus sportifs.