Première victoire Bugatti lors du premier Grand Prix automobile de Monaco en 1929

Première victoire Bugatti lors du premier Grand Prix automobile de Monaco en 1929

Lorsqu’à 13:30 le drapeau de départ est abaissé, les moteurs des voitures de course rugissent. En première ligne, on trouve la Bugatti Type 35 B. Depuis des années déjà, cela fait partie d’un spectacle habituel. Cependant, cette fois-ci, quelque chose est différent : certes, Bugatti et le sport automobile demeurent inséparables depuis 10 ans déjà, et pourtant, l’année 1929 marque une étape particulièrement importante pour Bugatti. C’est précisément cette année-là que le créateur automobile français remporte le premier Grand Prix de Monaco. Après presque quatre heures de course, le pilote William « Williams » Charles Frederick Grover est le premier à franchir la ligne d’arrivée dans une Bugatti Type 35 B.

Cela marque le début d’une nouvelle ère. De nos jours, le Grand Prix de Monaco caractérisé par l’étroitesse des voies et menant à travers la ville marque l’apogée de chaque saison de Formule 1. Outre les 500 miles d’Indianapolis et les 24 Heures du Mans, il compte parmi les courses automobiles les plus connues au monde.

Et pourtant, il y a 90 ans, tout commença de façon modeste. Ce fut vers la moitié des années 1920 que l’ancien commissaire général de l’Automobile Club de Monaco, Anthony Noghès, eut l’idée d’organiser une course en plein centre de Monaco. Il faudra encore quelques années jusqu’à ce que son idée puisse être mise en œuvre. Début avril de l’année 1929, 20 pilotes s’inscrivent et le 14 avril 1929, 16 d’entre eux prennent le départ. Huit pilotes choisissent des modèles de Bugatti comme p. ex. la Type 35 C et la Type 35 B, cette dernière devenant notamment la voiture de William Charles Frederick Grover.

Contrairement aux courses automobiles actuelles, les organisateurs renoncent à un entraînement chronométré et les positions sur la grille de départ sont attribuées par tirage au sort. Le français Philippe Étancelin se voit attribuer la pole position avec sa Bugatti Type 35 C tandis que son compatriote Christian d’Auvergne occupe la deuxième position. Grover tire le numéro 5 et son rival de Mercedes, Rudolf Caracciola, doit s’élancer de la 14e place.

Lorsque le drapeau de départ est abaissé, William « Williams » ravitaille rapidement ses 8 cylindres d’essence. Il quitte la ligne de départ en troisième, mais parvient à décrocher les autres après un tour seulement. Il tient courageusement le volant et pilote vivement sa Bugatti Type 35 B à travers les rues de Monaco. Comme aujourd’hui, les duels dans les rues étroites ne sont que rarement possibles. Et, pour cette course, le taux d’abandon est élevé et le champ se vide rapidement. Après 80 tours, il ne reste plus que neuf voitures et seulement trois parviennent à franchir la ligne d’arrivée. Grover garde son calme dans la Type 35 B et parcourt de façon fiable et expérimentée tour après tour.

Grover brièvement en retard après l’arrêt au stand
Au 49e tour, Grover s’arrête pour ravitailler et, par conséquent, Caracciola prend la direction. Cependant, Grover rattrape le retard vu que sa Bugatti s’accroche mieux à l’asphalte chaud. Les freins à tambour avants et arrières sont suffisamment refroidis grâce a un système breveté de roues en aluminium coulé à huit branches plates, tandis que six litres de huile lubrifient efficacement le moteur même dans les inclinaisons. L’essieu avant a une structure creuse au milieu et permet de diminuer les masses non suspendues, ce qui améliore énormément la conduite. La Type 35 est une vraie voiture de vainqueur et restera presque imbattable tout au cours des années 1920: Avec plus de 2000 victoires en compétition pendant la « décennie dorée » de Bugatti, elle compte parmi les voitures de course ayant le plus marqué l’histoire de l’automobile.

Le moteur à huit cylindres doté de vilebrequin à plusieurs paliers et arbre à cames en tête tourne comme une horloge. Le moteur a une cylindrée de 2,3 litres et grâce au compresseur à lobes (type roots) il développe une puissance de 140 ch à 5000 tours. Le compresseur a la même vitesse de rotation que le vilebrequin et pousse ainsi suffisamment d’air dans la chambre de combustion, sans pourtant laisser que le moteur dépasse la ligne rouge de la vitesse de rotation. Avec un poids à vide de seulement 750 kg, une vitesse maximale de 215 km/h serait théoriquement possible – mais pas sur un circuit urbain. En revanche, le compresseur rend possible un couple très fort même à une vitesse de rotation très basse, ce qui augmente considérablement la puissance d’accélération. Grâce à la maniabilité de la carrosserie mince et élégante tout comme à la construction à matériaux légers de la Type 35 B, Grover parvient à maîtriser le circuit virage après virage. A ce moment-là, le fondateur de l’industrie automobile de luxe, Ettore Bugatti, sait déjà depuis longtemps que la puissance est certes importante, mais que la construction à matériaux légers est vitale. C’est la raison pour laquelle une grande partie des pièces de ses voitures de course tout comme le boîtier de moteur et la boîte de vitesses, la carrosserie et les roues sont fabriqués en aluminium léger.

Il n’est donc pas étonnant que dans sa Bugatti, Grover réussisse le tour en course le plus rapide en seulement 2:15 minutes en atteignant une vitesse moyenne de 84,4 km/h. Pour l’époque il s’agit d’un temps sensationnel. Après une bataille acharnée et plus de 100 tours et 318 kilomètres en total, Grover remporte le Grand Prix avant Georges Bouriano qui pilote une Bugatti Type 35 C et Rudolf Caracciola dans sa Mercedes SSK. Il franchit la ligne d’arrivée exactement 3 heures et 56 minutes après le départ. Ainsi marque-t-il une autre étape clé dans l’histoire de course de Bugatti.

A partir de 1950, le GP de Monaco fait partie de la Formule 1 et depuis 1955, la course figure chaque année au programme du championnat du monde de Formule 1. Le circuit a aujourd’hui une distance de 260,52 kilomètres et compte 78 tours à parcourir. Le record du tour en course actuel est de 1:14,26 minutes pour le circuit de 3,337 kilomètres et la vitesse moyenne est de plus de 150 km/h. Il y a 90 ans, il était encore presque inimaginable de parcourir la ville en tant que pilote comme Grover avec des bolides de 140 chevaux et des freins à tambour. À l’époque, les pilotes posent de nouveaux jalons: Bugatti gagne quatre fois à Monaco et la victoire de 1929 est suivie par d’autres victoire en 1930, 1931 et 1933. Il s’agit ici de moments historiques non seulement pour Bugatti mais aussi pour le sport automobile en général. Ce fut il y a 90 ans.

Qui était William « Williams » Charles Frederick Grover?
Le pilote franco-anglais naît à Paris le 16 janvier 1903 de père anglais et de mère française. A 20 ans, il commence à travailler comme chauffeur pour un célèbre peintre britannique. Ce dernier soutient le jeune chauffeur et lui prête une voiture pour qu’il puisse participer à des courses sous le pseudonyme W. Williams. Peu après, Grover crée une société automobile avec Louis Chiron et achète sa première Bugatti, une voiture de course Type 35 pour enfin devenir pilote automobile professionnel. Après avoir remporté ses premières victoires, le jeune talent est découvert par Ettore Bugatti qui lui offre une promotion en tant que pilote d’usine. William Grover montre sa reconnaissance lors de sa victoire au GP de Monaco en 1929 et marque de nombreuses victoires pour la marque française jusqu’en 1933. Au début de la Seconde Guerre Mondiale, Grover part pour la Grande Bretagne et est recruté par une unité spéciale. Il est parachuté près de Le Mans. C’est ici qu’il soutient un des groupe de Résistance Française les plus victorieux contre les troupes allemandes, avant d’être arrêté en 1943. En 1945, il est exécuté dans la camp de concentration de Sachsenhausen, peu après l’entrée des Américains.

Photos : Bugatti

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