Rétromobile 2015 – Bugatti Type 57 de 1937

Rétromobile 2015 – Bugatti Type 57 de 1937

retromobile-2015-bugatti-type-57-001

La collection Baillon qui a été vendue aux enchères par Artcurial le 6 février 2015 au salon Rétromobile comportait une rare Bugatti Type 57 qui possède un historique riche.

Ce châssis 57579 est assemblé dans le courant du mois d’août 1937 chez Bugatti. Il va bientôt être réservé pour une affectation spéciale :  » W « , nom de code pour « Wiederkehr » qui est l’ancienne raison sociale de la carrosserie Gangloff.

retromobile-2015-bugatti-type-57-005

Le Registre d’Acheminement de l’usine Bugatti indique que « le 8 septembre 1937, le châssis 57579/moteur 417 est convoyé par la route, piloté par l’employé Paul, chez Gangloff à Colmar » pour être carrossé. La mention « Salon » est consignée sur ce document, indiquant au moins la volonté de l’usine de terminer la voiture pour le Salon d’octobre 1937 à Paris. Il est impossible de savoir si la voiture a été exposée au Salon, ou en démonstration devant le Grand Palais à Paris. Le Registre de ventes mensuelles de l’usine note : « 8 septembre 1937, châssis 57579 – Colmar Stock ». Une seconde mention du véhicule est faite dans le Registre d’acheminement à la date du 17 novembre 1937 : « 57579-417 C.I route Peigues ».

retromobile-2015-bugatti-type-57-007

Cette information confirme que le véhicule est une « Conduite Intérieure » (berline 4 portes) et par conséquent une réalisation de Gangloff car Bugatti ne construit aucune C.I ou berline en 1937.
Le Registre des factures mensuelles de l’usine indique : « Le 24 mars 1938, la Bugatti châssis 57579/417 Berline, est vendue à Moreau-Lanez, au prix de 70.000 ff. » Il est noté que le véhicule est « Ex Démonstration M. Peigues ».
Le Registre d’acheminement indique, à la même date, que le véhicule est parti par la route, livré à « Moreau et Cie ». Ce nom, « R. Moreau-Auto Garage », correspond au concessionnaire Bugatti installé 27 avenue Gallieni à Sainte-Savine, banlieue de Troyes, dans l’Aube. Il est aussi dès les années 1920 agent Fiat, George Irat, La Buire et Mathis et vendra quelques Bugatti, surtout aux industriels de la bonneterie troyenne. « Jean Lanez » est le nom du client, un industriel aubois, directeur du moulin de Dienville, près de Brienne-le-Château.

retromobile-2015-bugatti-type-57-006

Revente à Paris en 1946 et abandon à Montrouge vers 1955
La Bugatti « Conduite Intérieure Profilée » est revendue officiellement un an après le décès de Jean Lanez (en 1945), et elle est immatriculée à la préfecture de la Seine le 11 juillet 1946 sous le numéro 3135 RP 3. Son propriétaire, inconnu, la conserve deux ans. Le 2 juillet 1948 la berline Gangloff est cédée à un second amateur parisien, avant d’être mutée dans le département de Seine-et-Oise, préfecture de Versailles, le 21 avril 1949. Son nouveau propriétaire est un dénommé Jacques Dupont, domicilié rue Pasteur à Étang-la-Ville, et la nouvelle plaque porte le numéro 4817 YD 1.

retromobile-2015-bugatti-type-57-011

Deux ans plus tard, la voiture retourne en banlieue parisienne. Elle est vendue le 24 mai 1951 à Georges de Changy, ingénieur domicilié 43 rue Paul Vaillant-Couturier à Clamart, et reçoit la plaque 4723 AG 75. Jean-Baptiste Lefebvre, ami du propriétaire de la Bugatti et lui-même ingénieur et bugattiste, se souvenait de la voiture, de couleur noire, qu’il utilisa en 1955. La plaque d’immatriculation parisienne se trouve toujours sur le véhicule 63 ans plus tard car le dernier propriétaire n’a jamais pris le temps de changer les plaques minéralogiques.
Quatre ans après son achat, l’ingénieur parisien se sépare de sa Bugatti qui trouve le chemin du garage de Pierre Proust, 41 rue Racine à Montrouge. Le 26 juillet 1955, la voiture est officiellement mise au nom de Pierre Proust. Dans cet antre dédié à Bugatti, Henri Novo officie depuis plusieurs années et, dans la même ville de Montrouge, Novo loue bientôt au père de René Metge une cour pavée au 108 avenue de la République. Il y entrepose pour son propre compte ou celui de son patron de nombreuses voitures dont une quinzaine de Bugatti. La Berline Gangloff 57579 vient donc finir ses jours dans ce presque cimetière pour Bugatti.

retromobile-2015-bugatti-type-57-003

Le coach Ventoux, châssis 57659, donneur de la caisse
L’ancienne voiture de Jean Lanez voisine dans la cour de Montrouge avec un coach Ventoux de 1938, châssis 57659, vendu neuf en mai 1938 à un industriel d’Amiens du nom de Gaston Garcin, propriétaire avant la guerre de plusieurs Bugatti. Son commerce de « Manufacture de sacs en papier, papier en gros », au 56 rue des Sergents, perdurera jusqu’aux années 1950.
En avril 1952, la voiture est cédée à un autre amateur picard du nom de Sarrazin. Cet enthousiaste tient alors un magasin d’articles ménagers rue Duméril, à Amiens. En 1955, la Bugatti est engagée au Rallye des Routes du Nord. N’ayant connu que deux propriétaires depuis 1938, elle paraît encore assez belle. Le copilote lors de cette épreuve est un garagiste amiénois du nom de Lucien Guichard, qui tient un atelier dans le quartier Saint-Maurice. La Bugatti est prise en photo devant le parc des expositions de Lille, au départ, sous la neige de l’épreuve courue sur deux jours, les 12 et 13 février 1955. Le coach Ventoux, numéro de Rallye 1, abandonne lors de l’épreuve de vitesse sur sept tours sur le circuit de Cambrai. Sur les 116 partants, seuls 56 finissent classés.

retromobile-2015-bugatti-type-57-008

Quelques années plus tard, la Bugatti châssis 57659 échoue elle aussi dans la cour pavée de Novo, à Montrouge. De mois en mois les voitures se dégradent ou servent de source de pièces pour d’autres Bugatti encore sauvables. Ainsi, le coach 57659 voit disparaître son moteur, puis ses roues. Son capot est mis de coté, et certaines de ses pièces sont peut-être dans le Type 57 Sport qu’Henri Novo se construit au début des années 1980.
Une photo pathétique prise à la fin des années 1950 dans l’enclos de Pierre Proust, au centre de Montrouge, montre le Ventoux 57659, encore identifiable à sa plaque minéralogique 610 AN 80. Il doit être le donneur de la caisse actuellement sur le châssis 57579, car ce dernier quitte la cour de Proust et Novo pour aller directement chez Baillon, à Niort. Il est en effet officiellement cédé à Jacques Baillon le 28 aout 1964, avant de recevoir la carte grise 646 FR 79 dans le département des Deux-Sèvres. Pendant cinquante ans, la Bugatti va rester remisée dans une des granges de la propriété du transporteur et collectionneur Baillon.

retromobile-2015-bugatti-type-57-004

Examen de la voiture
L’examen du véhicule ne laisse pas de doute quant à son identité, car le moteur porte les numéros 57579 et 417. Le pont arrière porte le même numéro et confirme cette hypothèse, appuyée par la plaque minéralogique 4723 AG 75, toujours présente sur la voiture. Mais la caisse Ventoux numéro 86 ne peut pas provenir de 57579 qui était la berline Gangloff.
Le numéro de caisse 86 correspond en revanche parfaitement au coach Ventoux usine Bugatti, châssis 57659/474, assemblé le 18 mai 1938, car le coach châssis 57706 qui est assemblé le 5 juillet suivant, après sept autres coachs, porte le numéro de caisse 92.

retromobile-2015-bugatti-type-57-009

La Bugatti de Jean Lanez a survécu, habillée d’une caisse plus classique que sa très rare robe Gangloff profilée. Le nouveau propriétaire aura le choix de la restauration : soit lui conserver la caisse Ventoux usine Bugatti numéro 86, soit redonner forme à la seule berline profilée Gangloff 1937 potentielle.

retromobile-2015-bugatti-type-57-002

Le dessin original de la voiture est dû au styliste de Gangloff, à Colmar. Très rares sont les « Conduite Intérieures Profilées » construites en 1936-1937 par cet atelier. On estime à huit le nombre de « CI » Gangloff en 1936, et 23 en 1937. Parmi ces carrosseries, une minorité seulement était profilée et aucune voiture ne semble avoir survécu. Sur le dessin profilé de 1936, le châssis 57476 fut déshabillé il y a quelques années, et 57579 était un des rares du dessin de 1937 avec la roue de secours apparente dans le profilage arrière.

retromobile-2015-bugatti-type-57-010

La voiture était vendue sans carte grise. Elle a le châssis numéro 57579. L’estimation de vente était de 120 000 – 160 000 €. Elle a été finalement vendue à un prix beaucoup plus élevé : 250 000 €.

About The Author

Passionné de tout ce qui roule, vole et flotte.

Related posts

Leave a Reply