Bugatti développe un étrier de frein en titane tout droit sorti d’une imprimante 3D

Bugatti développe un étrier de frein en titane tout droit sorti d’une imprimante 3D

Avec ses supersportives Veyron et Chiron, Bugatti s’est imposé au cours des dernières décennies comme un pionnier du développement et de l’innovation technologique dans le segment des voitures extrêmement puissantes, établissant des records époustouflants et affichant des performances hors du commun. Le laboratoire technologique de la marque de luxe française signe aujourd’hui un nouveau coup d’éclat : les développeurs de Bugatti sont parvenus pour la première fois à concevoir un étrier de frein entièrement produit par impression 3D. Mais ce n’est pas tout. Alors que la fabrication additive de pièces automobiles faisait jusqu’ici essentiellement appel à l’aluminium, le nouvel étrier de frein utilise le titane. Il s’agit du plus grand composant fonctionnel en titane au monde fabriqué par un procédé d’impression 3D. Cette étape majeure en matière de développement de l’impression 3D a été franchie grâce à la collaboration avec le Laser Zentrum Nord de Hambourg, qui a été intégré en début d’année à la prestigieuse Fraunhofer-Gesellschaft, un institut allemand spécialisé dans la recherche en sciences appliquées. Avec cette première mondiale, Bugatti souligne son rôle de pionnier de l’impression 3D au sein du groupe Volkswagen et de moteur de l’innovation dans l’industrie automobile à l’échelle mondiale. Les essais sur véhicule en vue de la production en série débuteront au premier semestre de cette année.

« Le développeur automobile n’a jamais le sentiment de la mission accomplie ; c’est encore plus vrai pour nous, chez Bugatti », estime Frank Götzke, responsable des Nouvelles technologies au sein du département Développement technique de Bugatti Automobiles S.A.S. « Nous ne cessons de réfléchir à la manière d’améliorer nos modèles actuels avec de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés et d’imaginer à quoi pourraient ressembler les futurs concepts techniques des véhicules de notre marque. »

« Les caractéristiques de puissance et de performance étant souvent proches des limites physiques, les exigences sont particulièrement élevées », poursuit l’ingénieur diplômé de 48 ans, spécialisé en machine-outil et en productique. « C’est pourquoi Bugatti a toujours au moins une longueur d’avance sur les autres constructeurs en matière de développement de solutions techniques. »

Frank Götzke fait partie du groupe Volkswagen depuis plus de 22 ans. Il travaille chez Bugatti depuis 2001 et a joué un rôle déterminant dans le développement de la Veyron en tant que responsable Développement châssis, puis dans le développement de la Chiron à son poste actuel.

Bugatti utilise actuellement les freins les plus puissants au monde sur sa nouvelle Chiron. C’est pourquoi les étriers de frein ont été entièrement repensés à cet effet. Constitués d’un alliage d’aluminium haute résistance, ils sont forgés à partir d’un seul bloc. Avec huit pistons en titane sur les étriers avant et six sur les étriers arrière, ce sont également les plus grands étriers de frein utilisés à ce jour sur un véhicule de série. L’étrier de frein de la Chiron est fabriqué selon des principes bioniques inspirés de la nature. Sa nouvelle architecture permet d’obtenir un poids d’étrier minimal avec une rigidité maximale. Sur le plan de la conception et du fonctionnement, il s’inspire de ce qui se fait en compétition automobile.

Avec le nouvel étrier de frein en titane produit par impression 3D, Bugatti va encore plus loin et explore de nouveaux territoires. Le titane est surtout utilisé comme alliage de formule Ti6AI4V dans l’industrie aéronautique et aérospatiale pour la réalisation de composants soumis à de très fortes sollicitations mécaniques, comme les suspensions de trains d’atterrissage, les ailes d’avion ou des pièces de moteurs d’avion ou de fusée. Ce matériau présente des propriétés qui lui confèrent un net avantage en termes de performance par rapport à l’aluminium. Même sous forme de pièce fabriquée par impression 3D, sa résistance à la traction est de 1 250 N/mm2, ce qui signifie que cet alliage de titane peut être soumis à une traction légèrement supérieure à 125 kg par millimètre carré sans provoquer de rupture du matériau. Le nouvel étrier de frein en titane mesure 41 cm de long, 21 cm de large et 13,6 cm de haut, et pèse tout juste 2,9 kg, contre 4,9 kg pour l’étrier en aluminium utilisé actuellement. Bugatti a pu ainsi alléger son étrier de frein de plus de 40 %, tout en bénéficiant d’une capacité de charge supérieure.

Du fait de la résistance extrêmement élevée du titane, il était jusqu’ici très difficile, voire impossible de fraiser ou de forger une telle pièce à partir d’un seul bloc et de l’usiner à la manière d’une pièce en aluminium. La solution est venue d’une imprimante 3D extrêmement puissante, qui a en outre ouvert de nouvelles perspectives de fabrication de structures beaucoup plus complexes, et donc beaucoup plus rigides et solides que celles obtenues par des procédés traditionnels. C’est au Laser Zentrum Nord, à Hambourg, que Frank Götzke a découvert cette installation dite de fusion sélective par laser.

« Le Laser Zentrum Nord est l’une des nombreuses institutions scientifiques avec lesquelles nous avons établi une solide coopération au fil des ans », explique Frank Götzke. « Du fait de ses innombrables projets déployés notamment dans l’industrie aéronautique, ce centre dispose d’un vaste savoir-faire dans le domaine du traitement du titane ainsi que de technologies éprouvées. » Ces dernières années, les chercheurs de Hambourg ont obtenu de nombreux prix nationaux et internationaux de renom pour leurs travaux avec l’industrie.

« La collaboration avec Bugatti est pour nous un projet phare », souligne le Prof. Dr.-Ing. Claus Emmelmann. Ancien directeur général du Laser Zentrum Nord GmbH, il dirige aujourd’hui l’Institut Fraunhofer pour les technologies de fabrication additive (Fraunhofer-IAPT) depuis l’intégration du Laser Zentrum Nord dans le réseau de recherche de la Fraunhofer-Gesellschaft. Il est en outre à la tête de l’Institut des technologies laser et systèmes de l’Institut universitaire de technologie de Hambourg (iLAS). Claus Emmelmann est fier de la collaboration de son institut avec Bugatti : « Lorsque Bugatti nous a contactés, nous avons été immédiatement enthousiastes. Je ne connais aucune autre marque automobile qui exige autant de ses produits. Nous avons accepté de relever ce défi avec plaisir. »

Le temps de développement de l’étrier de frein en titane à imprimer en 3D a été relativement court : de l’idée initiale au premier composant imprimé, trois mois seulement se sont écoulés. C’est sous forme de jeu de données complet que Bugatti a transmis au Laser Zentrum Nord le concept de base, les simulations de résistance et de rigidité ainsi que la conception. Le centre a alors réalisé la simulation du procédé, la conception des structures de support, l’impression laser proprement dite et le traitement thermique du composant. Bugatti s’est ensuite chargé des opérations de finition.

L’imprimante 3D spéciale du Laser Zentrum Nord, qui était au début du projet la plus grande installation au monde adaptée au titane, dispose de quatre lasers d’une puissance unitaire de 400 W.

Il faut au total 45 heures pour imprimer un étrier de frein. Durant cet intervalle de temps, de la poudre de titane est déposée couche après couche. À chaque couche, les quatre lasers interviennent pour faire fondre la poudre de titane en fonction de la forme souhaitée de l’étrier de frein. Le matériau refroidit instantanément et l’étrier de frein prend forme. 2213 couches sont nécessaires au total. Une fois la dernière couche achevée, la poudre de titane non fondue est retirée de la chambre de construction, nettoyée et stockée dans un processus fermé en vue de sa réutilisation. Il ne reste alors que l’étrier de frein avec sa structure de support destinée à préserver la forme du composant jusqu’à ce qu’il ait subi le traitement thermique stabilisant qui lui conférera sa résistance finale.

Pour ce faire, l’étrier de frein est placé dans un four, où il est exposé pendant 10 heures à des températures variant de 700 à 100 °C afin d’éliminer les contraintes résiduelles et garantir la stabilité dimensionnelle du composant. La structure de support est ensuite retirée et le composant séparé du plateau de construction. À l’étape suivante, les surfaces sont polies à l’aide d’un procédé mécanique et physico-chimique combiné, ce qui augmente considérablement la résistance à la fatigue et, par conséquent, la durabilité à long terme du composant au sein du futur véhicule. Enfin, les contours de toutes les surfaces fonctionnelles, comme les chambres de pistons ou les filetages, sont usinés. Cette opération, qui nécessite encore 11 heures supplémentaires, est réalisée dans une fraiseuse 5 axes.

Il en résulte un composant très filigrané avec des parois d’une épaisseur comprise entre 1 mm au minimum et 4 mm au maximum.

« Tenir entre les mains notre premier étrier de frein en titane imprimé en 3D fut un moment très émouvant pour nos équipes », se souvient Frank Götzke. « En termes de volume, c’est le plus grand composant fonctionnel en titane au monde produit par fabrication additive. Lorsqu’on le soulève, on est surpris par sa légèreté malgré sa taille imposante. C’est un composant à la fois très impressionnant d’un point de vue technique et merveilleusement esthétique. »

Les premiers essais de production en série débuteront au premier semestre de cette année. La date n’en a pas encore été fixée. Les temps de production se réduiront ensuite progressivement, notamment lors de la phase de post-traitement, promet l’ingénieur.

Frank Götzke et son équipe présentent les résultats de leur travail au groupe et à ses marques. « Bugatti est leader du développement de l’impression 3D au sein du groupe Volkswagen », souligne Frank Götzke. « Chacun peut et doit bénéficier de nos projets. C’est aussi la mission de Bugatti en tant que laboratoire du groupe pour les hautes technologies appliquées. »

L’étrier de frein en titane imprimé en 3D n’est qu’un exemple du travail de recherche et développement actuel de Bugatti. « Nous avons non seulement développé le plus grand composant en titane produit par fabrication additive, mais aussi le plus long composant au monde en aluminium jamais imprimé en 3D d’une seule pièce », explique Frank Götzke en sortant fièrement de l’armoire une platine d’essuie-glace de 63 cm de long. Avec ses 0,4 kg, elle ne pèse que la moitié du poids d’une platine en aluminium moulée sous pression classique, et ce avec la même rigidité. Mais c’est une autre histoire.

Photos : Bugatti

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