Bugatti Type 57 Atalante de 1936 – Châssis n°57432

Bugatti Type 57 Atalante de 1936 – Châssis n°57432

La maison de ventes aux enchères Artcurial exposait sur son stand du salon Rétromobile 2023 une superbe et rare Bugatti Type 57 Atalante de 1936 (châssis n° 57432), l’une des 3 survivantes équipées d’un toit ouvrant. L’estimation de vente était entre 2 et 3 millions d’euros.

Histoire de la Bugatti Coupé Atalante
L’Atalante est une Bugatti assez rare et exclusive, basée sur le châssis de la Type 57 avec un empattement de 3,3 m. Lancée en 1935, elle est l’œuvre de Jean Bugatti et de Joseph Walter, offrant un avant-goût des Aérolithe et Atlantic. Il s’agit d’un Coupé à 2 portes et à 2 places.

Basé sur le dessin d’usine 1070, ce coupé doté en option d’un grand toit ouvrant est d’ailleurs né sous l’appellation « Faux Cabriolet », nom donné aux premières voitures sorties en avril 1935. Ce n’est qu’à partir du châssis n°57330 exposé au Salon automobile de Paris en octobre 1935 qu’apparaît le nom Atalante.

La production de la Bugatti Type 57 Atalante s’est déroulée de 1935 à 1936 :
– 1935 : production de 10 modèles dont 7 à toit ouvrant (châssis 57249, 57263, 57267, 57312, 57325, 57330 et 57333),
– 1936 : production de 8 unités dont 3 à toit ouvrant (châssis 57401, 57428 et 57432).

Le modèle proposé à la vente en février 2022 ((le châssis 57432) a été produit en 1936 et a été le dernier doté d’un toit ouvrant. Pour l’anecdote, parmi les 10 Bugatti Type 10 Atalante équipée d’un toit ouvrant de 1935 à 1936, trois modèles ont survécu aux décennies avec leur carrosserie sur leur châssis d’origine (57330, 57401, 57432).

La caisse de 57263 a été modifiée en cabriolet alors que les carrosseries des châssis 57312, 57325 et 57333 sont aujourd’hui montées sur d’autres châssis. La caisse de 57428, transformée en cabriolet, a été par la suite refaite en Atalante.

En octobre 1935, la Bugatti Coupé Atalante 2/3 places à toit ouvrant était proposée au prix de 90 000 francs, passant à 108 000 francs en octobre 1937 pour la nouvelle version du Coupé, en aluminium.

La production de la Bugatti Type 57 Atalante a été arrêtée après le salon automobile de Paris en octobre 1938.

Histoire du châssis 57432 d’après Pierre-Yves Laugier
L’Atalante châssis n°57432 est propulsé par le moteur à 8 cylindres n°315. Ce modèle est sorti de la carrosserie Bugatti le 13 juillet 1936.

Décrite « Coupé Atalante 57432/315, noir et ivoire, cuir havane », elle est commandée par l’agent Bugatti marseillais Gaston Descollas, dont le magasin de vente se situe 42 cours du Prado. Son client est un bijoutier marseillais du nom de Charles Joseph Olivero (1906-1990). Celui-ci, fils de Charles Olivero dont il a hérité de la bijouterie lors de son décès en 1930, a acheté d’occasion en mai 1934 une Type 49 cabriolet. Il la revend fin juillet 1936 aux établissements Descollas pour s’offrir l’Atalante. Avec son frère Jean-Baptiste, ils roulent aussi en Type 37 du printemps 1936 à l’été 1937.

La Bugatti Atalante est immatriculée neuve le 24 juillet 1936 sous le numéro 8357 CA 8, au nom de Charles Olivero, 22 rue Petit St Jean à Marseille. Du 13 au 17 juillet 1938, C. Olivero engage son Atalante au Rallye des Alpes sous le numéro 14, mais il est contraint à l’abandon le 16 juillet, au cours de l’étape de Chamonix à Nice. En 1939, C. Olivero commande à la carrosserie Gangloff un roadster 57C dont il supervise la construction. Pour ce faire, il prend tous les vendredis soir le volant de son Atalante pour se rendre de Marseille à Colmar où il surveille l’avancement de son exceptionnel roadster inspiré de la Delahaye 12 cylindres. Lorsque sa nouvelle 57C est enfin terminée, le coupé Atalante est revendu via un garagiste de Nîmes, Émile Reveiller. Celui-ci immatricule la voiture sous le numéro 6008 FN 4 à son nom et à l’adresse de son garage (1 rue de Général à Nîmes), mais pour une durée très courte : du 24 au 25 août 1939. Il semble en effet qu’à cette date la voiture appartenait déjà au propriétaire suivant, l’aviateur Léon Givon. En témoigne un courrier de ce dernier, à en-tête de la base aérienne de Marignane et daté du 9 juillet 1939, qui indique : « Je me suis rendu acquéreur à l’agence de Marseille d’une 57 Atalante 37 toit ouvrant. » La voiture était donc en sa possession au moins depuis la date de ce courrier.

Léon Givon immatricule la Bugatti le 25 août 1939, une semaine avant le début de la guerre, sous le numéro 7262 CB 1 en sa villa Santos Dumont, impasse des Gattons, Bonneveine, Marseille. Nous savons que Givon s’est engagé au Paris-Nice 1939 sur Bugatti en catégorie 5 litres, sans doute avec sa Type 50 achetée en 1937. Il prend part également au Rallye des Alpes françaises, du 13 au 17 juillet 1939 : peut-être la première sortie de l’Atalante aux mains du pilote d’Air France. Il n’apparaît pas dans les arrivées publiées dans L’Auto du 17 juillet. Pendant la guerre, compte tenu des activités de Léon Givon dans la Résistance, il est possible que la Bugatti ait été utilisée pour ses services, mais la trace de la voiture se perd et nous la retrouvons en 1948 au Luxembourg.
De son côté, le Commandant Givon participe en septembre 1945 au Grand prix de la Libération, au Bois de Boulogne, au volant d’une Bugatti mais en catégorie 1500 cm3 à compresseur.

En juin 1948, l’Atalante est achetée par Rudi Cloos. Elle est encore équipée de son moteur d’origine n°315, qui aurait été révisé à l’usine. Cloos décide une restauration complète incluant le remplacement du moteur par celui du châssis-moteur n°547 qu’il avait obtenu neuf à l’usine au sortir de la guerre. Entre juin 1948 et avril 1949, Il confie l’Atalante au carrossier Jos Metz et au garage Loll Lambert, au Luxembourg, pour lui donner une configuration de coupé tôlé, avec pare-brise de Bugatti Ventoux. Une boite de vitesse neuve, non numérotée, est installée, tandis que la boite n°315 part sur le châssis neuf maintenant équipé d’une caisse de Ventoux. L’Atalante circule ensuite sous l’immatriculation L 5289, la carte grise indiquant le numéro de son nouveau moteur, « 547 », puis par extension erronée « 57547 ».

Notons que le châssis 57547 est un Ventoux de 1937, parfaitement original et sans aucun lien avec l’Atalante décrite. Notre Atalante a aujourd’hui retrouvé sa véritable identité n°57432 après que le numéro du moteur 547 ait été effacé et regravé 315 pour des raisons de commodité administrative.

Une fois restaurée, la voiture est vendue en novembre 1950 à l’architecte belge Albert Jean de Lay, de Liège, résidant au Luxembourg. Il emmène la Bugatti au Congo belge où il participe à un programme de constructions. La mécanique est entretenue localement à Élisabethville mais le moteur difficile à régler est envoyé à Molsheim sans plus de résultats. En 1960 est proclamée l’indépendance du Congo mais la guerre civile qui s’ensuit en 1963 provoque la fuite de la famille de Lay pour le Protectorat britannique de Rhodésie du Nord (aujourd’hui Zambie) avec la Bugatti, abandonnant tous ses autres biens.

Cette même année, Rudi Cloos accepte de reprendre son Atalante et permet ainsi à Jean de Lay de disposer d’un pécule pour une nouvelle vie. Domicilié à Esch-sur-Alzette, Rudi Cloos immatricule sa Bugatti L 4005 et l’utilise à nouveau de 1963 à 1973. Rudi Cloos, comme d’autres bugattistes, fréquente régulièrement le night-club « Royal Bugatti » appartenant à Gaston Greven. Celui-ci possède une nouvelle Jaguar V12 qui attire Cloos, qui propose à Greven un échange plus soulte avec l’Atalante. Greven, 27 rue des réservoirs à Heisdorf, repeint la voiture en jaune et bleu nuit et s’engage en 1974 au rallye de Monte-Carlo des voitures anciennes. Il conserve l’immatriculation L 4005. Lors d’un rallye suivant, Greven rencontre le célèbre amateur et marchand de Bugatti Lucien Mette, qui souhaite acheter l’Atalante. Greven risque un prix très élevé, que le marchand accepte, contraignant le Luxembourgeois à céder la voiture. En fait, Mette recherchait des voitures pour le compte du collectionneur Maurice Teisserenc, au Domaine de Montplaisir, à Linxe dans les Landes, qui devient donc propriétaire du véhicule le 12 septembre 1974.

La mécanique ayant besoin d’une importante révision (l’essieu avant avait été tordu lors du Rallye du cinquantenaire du Grand Prix de Lyon), le travail est confié à l’atelier de Colin Crabbe  » Antique Automobiles  » en Grande-Bretagne. La Bugatti est repeinte en rouge et noir, et le pavillon semble avoir été à nouveau modifié. Une fois terminée, Maurice Teisserenc l’utilise en 1978 pour la concentration des 100 Bugatti à Deauville, ainsi que pour d’autres rallyes du Club Bugatti France dont il est membre. Après 14 ans de possession, il présente la voiture aux enchères le 24 mai 1988 à Fontainebleau. L’Atalante est achetée par le collectionneur cannois Bernard Mérian disposant alors des moyens pour restaurer enfin la belle Atalante dans sa configuration d’origine. Dans ce but, il fait appel à l’auteur de ces lignes qui découvre la voiture au garage Novo de Marolles-en-Hurepoix.

L’identité « 57547 » étant de complaisance et liée au moteur de rechange numéro 547, il fallait retrouver la véritable identité du véhicule. La découverte du numéro de pont arrière gravé 315 nous met sur la piste du châssis 57432 qui s’avère être une Atalante découvrable livrée à Marseille. Les archives précisent que le premier propriétaire du véhicule est un certain Charles Olivero. Celui-ci, contacté par téléphone, est aussi étonné qu’heureux et raconte à l’auteur l’histoire de sa (ses) Bugatti. Par ailleurs, il fournit à l’historien Claude Taconetti, dépêché sur place, les photos qui permettent de restaurer la voiture dans sa configuration de 1936.

Le moteur est confié à M. Pailler, de Tours. Le reste de la mécanique (châssis, trains roulants, freins, électricité) est révisé par Claude Afchain, de Houdan. La carrosserie est restaurée par Jean-Claude Tisserand, de Sarcelles, qui réalise une copie exacte du pavillon d’une Atalante à toit ouvrant, en prenant modèle sur la n°57330 ex-Salon de Paris 1935 qui appartient à Hervé Ogliastro et se trouve alors à la carrosserie Lecoq de Saint-Ouen. L’intérieur est refait par Mme Tisserand, en cuir Connolly provenant de chez Décorauto, à Montmagny. L’Atalante est présentée en 1992 à la veuve de Charles Olivero, décédé entretemps, et à ses deux filles Janie et Josette, lors d’une exposition au Musée de Mougins.

En 1995, l’Atalante est exposée à Retromobile par Christophe Pund. Elle sera finalement vendue par Bernard Mérian le 11 août 2001 lors d’une vente aux enchères au Nürburgring. Elle est acquise par l’entrepreneur hollandais Victor Müller, qui présente la voiture l’année suivante durant le prestigieux Concours d’Elégance de Pebble Beach et en Floride, puis en 2003 à Goodwood et à la Villa d’Este. L’Atalante est ensuite cédée le 31 août 2003 au propriétaire actuel lors d’une vente à l’occasion du Concours d’Élégance du Palais Het Loo à Apeldoorn, aux Pays-Bas. Ce dernier est un grand enthousiaste et historien de la marque. Il confie la mécanique aux bons soins de l’atelier de Ab van Egmond aux Pays Bas, qui a notamment corrigé les problèmes de démarrage avec l’adjonction d’un condensateur pour la suppression des interférences électromagnétiques.

Voici bientôt vingt ans que ce passionné sillonne l’Europe et les États-Unis au volant de sa belle Atalante, sans que celle-ci ne montre le moindre signe de fatigue. Elle est devenue une habituée des Concours d’Élégance.

Photos : 4Legend.com

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Passionné de tout ce qui roule, vole et flotte.

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